coronavirus

... et après?

Vahé Zartarian

avril 2020

 


 

Depuis quelques jours je cherchais une explication à cet événement qui affecte toute l’humanité. Selon mon habitude, j’ai arrêté d’y penser, jusqu’à ce qu’un matin quelques idées déboulent dans mon esprit et se jettent en mots sur une feuille de papier. Pensant qu’elles pourraient vous intéresser, je vous les livre telles qu’elles.

Juste deux remarques préalables. Vous êtes libres de reproduire ce document à condition de ne pas l’amputer.
Pour rester court, je ne suis pas rentrer dans des détails. Ceux qui en veulent davantage trouveront sur ce site de quoi nourrir leur réflexion.



coronavirus: il n’est pas le problème, il est la solution!


L’événement qui frappe aujourd’hui l’humanité entière impacte directement et sévèrement les individus et les sociétés. De manière tout aussi directe et sévère, cela remet en cause à l’échelle planétaire le modèle de développement de ces dernières décennies. Les limites dudit modèle sont patentes depuis longtemps, mais rien jusqu’ici n’a permis de l’infléchir et encore moins de le remplacer, que ce soient des crises financières, sociales, industrielles ou écologiques. Et voilà qu’un modeste virus met à bas la finance, l’économie, les croyances sur les insurpassables bienfaits du néolibéralisme et de la mondialisation, et plus encore les croyances sur la toute-puissance de l’homme.

Cette révélation est pour beaucoup longtemps restée au seuil de la conscience. Elle est maintenant apparente aux yeux de tous. Elle a hélas un prix: des dizaines de milliers de morts. Mais chacune de ces morts est signifiante, comme un message à tous.
Chez les plus jeunes, elle veut dire le refus de ce monde qui n’offre plus, à leurs yeux, une qualité de vie satisfaisante avec les autres et la planète entière, ni des possibilités d’épanouissement.
Chez les plus âgés, encore davantage impactés par l’issue fatale de la maladie, c’est une manière acceptable de sortir du jeu en disant que cela n’a pas de sens de vivre aussi longtemps dans de telles conditions: sentiments de solitude, d’inutilité, d’enfermement, que ce soit dans des institutions, dans des corps invalides, ou des cerveaux déficients.

Le coronavirus apparaît ainsi comme une solution collective à des problèmes collectifs. Mais cela ne vaut que sur le court terme, pas sur le long terme. Les limites de cette solution sont d’ailleurs déjà visibles. Principalement trois:
Tous les gouvernants profitent de l’occasion pour renforcer le contrôle des populations. On peut être sûr qu’une fois la crise passée très peu reviendront en arrière. Les atteintes à la liberté risquent d’être durables.
Contrairement à des crises précédentes qui ont favorisé l’émergence de solidarités et d’expérimentations locales en tous genres, celle-ci conduit au repli. Repli sur la famille et la nation, le confinement devenant miroir grossissant de tous les dysfonctionnements. Mais le pire peut-être est la rumination de la peur, déjà bien cultivée depuis deux décennies par la sphère politico-médiatique avec la menace terroriste. Or la peur n’est pas créatrice.
Enfin, restent à inventer des modèles alternatifs satisfaisants pour les individus et fonctionnant bien au niveau collectif. Nul doute que si la crise est courte, presque tout redeviendra comme avant. Certes on s’efforcera de corriger quelques dysfonctionnements. Mais comme c’est le paradigme qui les a engendrés qui servira à les corriger, ça n’ira pas bien loin. Et si la crise s’installe dans la durée, ce sera probablement un temps de chaos et d’exacerbation des replis. Dans tous les cas on assistera à une baisse de l’espérance de vie et une baisse de la fertilité, d’où une population totale diminuant progressivement. À partir de là tout sera vu différemment.

Nous vivons bien un temps d’apocalypse, au sens propre de révélation. Ce n’est pas un changement à proprement parler, juste la révélation de limites. Ce n’est qu’un premier pas nécessaire avant leur franchissement mais pas encore leur franchissement.
Les individus de notre espèce ont la faculté de discernement. Le moment est peut-être venu d’en faire usage à grande échelle, d’un part pour ne pas retomber dans les fanatismes en tous genres, d’autre part pour nourrir le désir de créer des nouvelles conditions satisfaisantes pour toute vie. L’occasion enfin pour chacun de se réapproprier son pouvoir créateur en le mettant au service de la plus grande œuvre d’art qui soit, la vie.
Gardons juste à l’esprit que les grandes transformations, qu’elles concernent l’individu ou le collectif, s’inscrivent dans le temps. Le moment du changement proprement dit peut être instantané, mais la préparation pour atteindre le point de basculement est souvent longue. C’est important d’en être conscient sinon, sous prétexte de prendre des raccourcis, l’on risque une fois encore de se dessaisir de son pouvoir créateur pour le remettre aux mains d’autres, qui s’empresseront de s’en emparer, à notre détriment, toujours.
Au niveau de chacun, l’on peut observer le processus de transformation, ou son absence, dans le cadre de la maladie. Bien des maladies sont la seule solution qu’un individu trouve à des problèmes non conscientisés et non résolus. Éradiquer les symptômes ne suffit pas à résoudre lesdits problèmes antérieurs à la maladie. Celle-ci ne fait que les révéler. Et s’ils ne sont pas réglés autrement, les symptômes morbides risquent de reparaître, sous cette forme ou sous une autre. Donc, de manière plus générale, sans prise de conscience, une apocalypse ne sert à rien.
Au niveau collectif, survolons à titre d’exemple une page de l’histoire de l’Europe. Au 14e siècle, entre un tiers et la moitié de la population meurt de la peste. Cela ne manque pas de susciter des remises en cause de l’ordre établi. Il n’empêche que la féodalité et l’église gardent le pouvoir, et que la vie quotidienne ne change pas. La guerre de cent ans, les guerres de religions, les guerres entre empires ont plus d’impacts sur le peuple qu’une Renaissance faite par et pour une élite de lettrés. Une nouvelle vision du monde n’émerge qu’au 17e siècle, qui s’étend et devient source d’un nouveau modèle de société au 18e, pour s’incarner et se généraliser au 19e. Plus de quatre siècles pour redonner un sens tout différent à la vie puis transformer de fond en comble l’Europe et le monde!
Espérons qu’on fera mieux cette fois-ci. Quoiqu’il en soit, ce ne sera jamais court parce que ce qu’il faut changer d’abord, ce n’est pas ce qui semble dysfonctionner dans le monde extérieur, c’est la vision du monde elle-même.
Une Vision, c’est tout un ensemble de croyances partagées qui disent à chacun ce qu’il est, ce qu’est le monde, le sens de la vie, les rapports avec tout-ce-qui-vit, tout-ce-qui-est. Notre espèce a la faculté d’inventer de telles Visions. On comprend que le processus qui va de l’invention d’une Vision à son incarnation collective s’inscrive dans le temps, celui qu’il faut pour que cela diffuse dans les esprits en suscitant désir et enthousiasme.

Sachant cela, la chose la plus sensée à faire maintenant, c’est de rêver...




coronavirus: et après?


Pierre Dac nous a mis en garde: « La prévision est difficile surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. » Il n’empêche, je vais m’y essayer, en prenant le risque de me tromper bien sûr, et en espérant rester audible dans la cacophonie ambiante.


Alors pourquoi est-ce si difficile?
Une première raison est bien connue: l’imprévisibilité des innovations.
Moins connue mais plus fondamentale: le changement des valeurs au fil des générations, de sorte que même dans un contexte sans innovations, le futur reste incertain. Que voudront vivre les générations futures, individuellement et collectivement? À quoi assigneront-elles du sens, de la valeur? Par exemple, l’agriculture aura-t-elle encore un sens si la population humaine diminue notablement? Beaucoup préféreront peut-être retourner à un mode de vie nomade plus en contact avec une nature redevenue sauvage.

Ceci dit, peut-on tout de même émettre quelques avis sensés sur ce qui adviendra après cette crise du coronavirus? Découper ce siècle en trois devrait faciliter la tâche:
- le long terme, disons après 2050,
- le moyen terme, en gros de 2030 à 2050,
- le court terme, soit les quelques années qui viennent.

Beaucoup affirment que la sortie de la crise va inévitablement s’accompagner de profondes remises en question contraignant enfin à de ‘vrais’ changements. Pour ma part je suis plus dubitatif, et ce pour deux raisons que résument bien ces propos de deux grands physiciens:
1. « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème. » (attribué à Einstein)
2. « Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe jamais en convainquant les opposants et en faisant voir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants finissent par mourir, et qu’il naît une nouvelle génération à qui cette vérité est familière. » (Max Planck)


Le premier point est bien illustré par d’innombrables ‘nouveautés’, certaines qualifiées même de ‘révolutionnaires’, qui s’avèrent n’être, à bien y regarder, que des avatars du paradigme mécaniste-matérialiste. Chacun trouvera facilement des exemples dans des domaines aussi variés que la médecine, l’agriculture, la technologie, etc.
La Vision du Monde dominante n’a guère changé au fil des crises précédentes, et ce n’est pas la dernière en date qui subitement va la faire changer. La citation de Planck explique pourquoi: une succession de générations est nécessaire avant qu’un réel changement imprègne suffisamment les consciences pour pouvoir s’incarner. Les crises provoquent des réactions immédiates du genre « ça ne peut plus durer », « plus jamais ça », mais elles ne sont pas par elles-mêmes créatives, sinon pour contraindre à se débrouiller au jour le jour pour survivre. Elles suscitent un besoin de changement qui, dans le meilleur des cas se traduit par l’appropriation d’idées nouvelles préexistantes, qui ensuite auront besoin de temps pour mûrir et se diffuser.
Donc, c’est quasi inévitable, aucun changement important ne se produira dans les années qui viennent.
Attention, je ne dis pas qu’il ne se passera rien, que tout ceci sera sans conséquences. Je dis juste que les évolutions que l’on observera seront des produits du mode de pensée existant, celui-là même qui a engendré les crises. L’histoire nous montre que des crises, même de grande ampleur, n’entraînent pas fatalement des changements majeurs. Par exemple, la première guerre mondiale, à quoi est venue s’ajouter la grippe espagnole, n’ont pas provoqué un changement de civilisation, seulement à faire la même chose en plus efficace en restant dans la vision matérialiste.
Notons qu’à l’inverse les périodes de calme relatif sont plus favorables à la créativité. Pour rester au début du 20e siècle, c’est avant les crises juste évoquées qu’ont eu lieu d’énormes sauts conceptuels en physique, en psychologie, en art, en philosophie, etc.
Pour en revenir à la situation actuelle, concrètement, la plupart des gouvernants prendront prétexte des circonstances pour renforcer le contrôle des populations. Sans retour en arrière possible tant elles auront été rendues passives à grands coups de menaces (culture de peurs en tous genres), de déconnexion de la réalité via les réseaux sociaux et autres mondes virtuels, ainsi que de saupoudrage d’aides pour fluidifier un minimum les relations sociales. Tandis que les mêmes gouvernants continueront de gouverner, et les financiers de faire de l’argent. Comme sur le fond rien n’aura changé, d’autres crises surviendront inévitablement, qui n’aboutiront à leur tour qu’à de nouveaux renforcements de tout ça.
Heureusement, quelques individus parviendront à garder une autonomie de pensée et de vie en se coulant dans des interstices. Mais cela aura un prix: soit une forme de schizophrénie entre garder un pied dans le monde ancien et mettre l’autre dans le nouveau, soit la solitude dans une forme d’érémitisme, soit un risque de surveillance accrue dans des Oasis, écovillages, ou autres lieux de vie collectifs (cf. Notre-Dame des landes).

À moyen terme, les choses sont beaucoup moins claires.
Si les disruptions provoquées par des crises successives sont importantes, viendront des temps troublés. Par exemple de grandes pannes électriques mettraient à bas les systèmes informatiques, donc les réseaux sociaux, les réseaux de surveillance, les réseaux d’approvisionnements... Remarquons que c’est dans ce genre de chaos que beaucoup vivent déjà au quotidien en Amérique Latine, en Afrique, au Moyen-Orient, etc. Donc les plus impactés par ces disruptions seront les pays les plus développés. Ce genre de chaos élargira les interstices où se développeront des modes de vie alternatifs. Mais qu’on ne s’y trompe pas, tous ne seront pas des Oasis de liberté et de fraternité. Surgiront en même temps quantité d’initiatives plus rétrogrades sur fond ethnique, religieux ou de simple survie du plus fort (l’éclatement de la Yougoslavie est encore proche).
Si en revanche les disruptions restent modérées, alors l’on s’acheminera de manière plus douce vers un changement en profondeur. La raison en est simplement que la population humaine est appelée à baisser, sans drame, parce que la fertilité et la fécondité baissent déjà, de même que l’immunité. Qu’elles qu’en soient les cause (pollution, pesticides, médicaments, ondes électromagnétiques, etc.) le moment viendra où les générations ne se renouvelleront plus. À partir de là tout sera vu différemment.

Finalement, sur le long terme, deux scénarios se dessinent:
Si aucune Vision alternative crédible et enthousiasmante n’a diffusé dans le collectif, alors l’on verra resurgir les vieilles recettes, à savoir: une société mécaniste s’il reste une organisation et des bases technologiques suffisantes, ou des théocraties, sans oublier les inévitables potentats locaux et autres seigneurs-saigneurs.
Si suffisamment d’individus ont profité des années qui viennent pour faire leur révolution intérieure, si des idées nouvelles ont suffisamment diffusé, alors l’on assistera à l’éclosion d’une véritable civilisation nouvelle.
Ce second scénario a évidemment ma préférence. C’est à cela que j’œuvre depuis des décennies dans mes recherches qui tentent une synthèse entre sciences de pointe, expériences en états de conscience modifié, spiritualités, épistémologie, histoire humaine sur le temps long... Tout ceci développé dans des ouvrages aux titres évocateurs: nos pensées créent le monde, le jeu de la création, vers l’homme de demain, l’esprit dans la matière, Kosmogonie la conscience créatrice. Fort heureusement, beaucoup d’autres œuvrent dans ce sens. Ce que l’histoire retiendra? mystère! Quoiqu’il en soit, c’est ici que ça commence, d’où tout le reste découle: qu’est-ce que la réalité? qu’est-ce que la vie? qu’est-ce que la conscience? qu’est ‘je’?