Qui n'a pas constaté la relativité des perceptions ? Vous assistez avec des amis à un spectacle, une rencontre sportive par exemple, ou la projection d'un film, puis vous en discutez entre vous. Chacun y va de son commentaire, et rapidement les choses s'enveniment, les invectives fusent, au point que c'est à se demander si tous ont bien vu le même spectacle ! Comme on dit : " des goûts et des couleurs "
Cette relativité des perceptions semble aller de soi dans tous ces domaines qualifiés de " subjectifs " parce qu'ils ont trait à des impressions, des jugements, des appréciations personnelles. Mais en vérité, sommes-nous bien sûrs de la validité de ce découpage objectif-subjectif ? Pouvons-nous être certains par exemple que tout le monde voit de la même manière ce livre que vous tenez dans vos mains, que le blanc du papier et le noir de l'encre sont les mêmes pour tous ? Vieux débat, très vieux débat, longtemps laissé de côté, mais que nous allons nous efforcer de rouvrir en prenant avantage de quelques avancées récentes.
Commençons par examiner comment une notion en apparence aussi peu subjective que la solidité peut en fait varier en fonction du point de vue.
Considérons par exemple une étendue d'eau. Tout le monde s'accorde sur le fait qu'elle est de nature liquide et qu'il ne saurait être question de marcher dessus sans s'y enfoncer. La cause est entendue et ne prête pas à discussion, sauf peut-être quelques rares cas qui relèvent du miracle et dont nous n'avons pas à nous occuper pour le moment. En nous approchant de la surface, nous apercevons des araignées d'eau qui, perchées sur leurs longues pattes, marchent et courent littéralement. Et en y regardant d'encore plus près, nous ne voyons rien qui ressemble à des flotteurs, ou autres artifices servant à assurer la flottabilité. Pour cet animal, la surface de l'eau est donc aussi solide que l'est pour nous un trottoir.
Considérons à présent un verre, un simple verre de table. La solidité de cet objet ne fait aucun doute : quand nous nous en saisissons, nos doigts ne s'y enfoncent pas ; quand nous y versons un liquide, il ne s'en échappe pas. Changeons de point de vue et adoptons celui de la lumière. La transparence du verre est révélatrice du fait qu'elle le traverse sans aucune difficulté. Autrement dit, pour une particule de lumière, un photon selon la terminologie de la physique, notre verre n'a rien de solide. Sa constitution s'apparenterait plutôt à celle d'un liquide dont la viscosité ralentirait sa vitesse de déplacement.
L'intérêt de ces exemples qui montrent la relativité de la " solidité " provient du fait que ce n'est pas une notion que l'on tient d'ordinaire pour subjective. Elle renvoie même à celle d'étendue qui constitue un des fondements de la physique classique ainsi que nous le verrons au chapitre suivant. Nous constatons donc que le découpage objectif-subjectif n'a rien de naturel. Pour nous en convaincre encore plus, prenons un objet qui semble véritablement exister indépendamment de l'observateur, le temps, puisque, par exemple, nous pouvons le mesurer.
Le temps, pour de multiples raisons, ne cesse d'embarrasser philosophes et scientifiques. Aussi, pour éviter de nous embourber dans de vaines querelles, allons-nous aborder la question selon un point de vue résolument inhabituel, celui de la linguistique, dans le cadre d'une ethnie particulière, celle des Hopis, indiens habitants l'actuel Arizona.
Les Hopis ont du temps une perception qui diffère radicalement de la nôtre. Ainsi n'ont-ils aucune notion d'un temps s'écoulant de manière linéaire et continue, et entraînant dans sa course tous les objets de l'univers, du passé au futur à travers le présent. Leur langage même est dépourvu de tout mot, expression, tournure grammaticale, conjugaison, ou quoi que ce soit d'autre faisant référence explicitement ou implicitement à ce que nous appelons le temps, ni au passé, présent et futur, ni à la durée, ni encore au mouvement (qui serait conçu comme déplacement et pas comme un processus de transformation globale). Pourtant la langue Hopi est extrêmement riche et permet de rendre compte de tous les phénomènes observables dans l'univers. Cela signifie donc qu'ils font de la réalité un découpage complètement différent du nôtre, dont découlent nos divergences sur le temps. (1)
Notre découpage à nous se fonde essentiellement sur la notion d'objet substantiel, solide en quelque sorte, doté de diverses qualités. Par exemple " tomate rouge ", ou " dieu d'amour ". L'existence est donc constituée d'une forme, sorte de contenant (la tomate), à quoi s'ajoutent diverses propriétés, non douées de forme évidemment, en quelque sorte des contenus (la couleur rouge). Notre langage, avec sa structure prédominante Sujet-Verbe-Objet, et avec l'omniprésence des verbes " être " et " avoir ", est à la fois le révélateur et le constructeur de cette ontologie : la tomate est rouge, la tomate a une couleur rouge, etc.
Les Hopis, eux, voient le monde non pas en termes d'objets, comme nous le faisons, mais en termes d'événements (une forme verbale comme l'affreux néologisme " événementiser " conviendrait sans doute mieux à leur pensée). Ces événements appartiennent à deux catégories, les " manifestés ", et les " non-manifestés " (là encore un néologisme évitant la négation serait plus approprié). Les événements manifestés comprennent tout ce qui est accessible aux sens, tout notre univers physique donc, sans distinction pour eux entre passé et présent. Les événements non-manifestés comprennent tout ce qui pour nous appartient au futur, ainsi que, d'une manière totalement indiscernable, tout ce qui est du domaine de l'esprit (que les Hopis placent dans le coeur), l'esprit de l'homme mais aussi l'esprit de tous les êtres vivants, de toute la nature, bref de tout ce qui existe. Dans cette ontologie, l'existence n'évolue pas du passé vers le futur. Elle passe du non-manifesté au manifesté selon des modalités qui sont propres à chaque être.
Prenons un exemple. Nous pouvons parler indifféremment de " dix hommes " ou de " dix jours " parce que nous objectivons le temps et que, ce faisant, nous sommes capables de considérer " dix jours " comme un objet à part entière. Pourtant, ces dix jours ne sont pas vécus en tant que tels car seul ce jour existe actuellement, les autres n'étant que des constructions de notre imagination. C'est pourquoi les Hopis ne perçoivent pas de la même manière " dix hommes " ici présents (manifestés), et " dix jours " dont en fait un seul existe en ce moment même (un seul est manifesté). Dans leur ontologie, cette notion qui pour nous correspond à une durée doit être traduite en termes de relation entre deux événements. Ainsi, là où nous disons " ils sont restés dix jours ", ils doivent dire quelque chose comme " ils sont partis le onzième jour après leur arrivée ".
Nous sommes probablement tellement imprégnés de notre propre notion du temps que nous avons sans doute du mal à concevoir celle des Hopis, du mal surtout à admettre qu'il puisse en exister d'autres, aussi valables. Certes, nous pourrions arguer que les horloges et la régularité de nombreux phénomènes, notamment astronomiques et biologiques, nous donnent raison. Mais ce serait oublier deux choses. La première est que ces régularités ne font que révéler le temps propre de la gravitation, dirons-nous pour simplifier, et rien d'autre. La seconde chose est la théorie de la relativité restreinte, expérimentalement vérifiée sur ce point, qui rend le temps dépendant de l'observateur. Ainsi deux événements perçus comme simultanés par l'un peuvent être perçus comme successifs par un autre (2). Cela contredit la physique classique, et notre sens commun, pour qui deux événements simultanés restent simultanés quelle que soit la façon de les regarder.
Parvenus à ce point, vous pourriez objecter que ces problèmes de perception ne sont justement que des problèmes de perception qui ne remettent nullement en cause l'existence d'une réalité sous-jacente identique pour tous. Le verre de tout à l'heure existe bel et bien, et peu importe qu'il paraisse solide à l'un et visqueux à l'autre. De même " dix jours " sont toujours " dix jours ", qu'on les compte ou qu'on ne les compte pas. Les choses sont en vérité beaucoup plus subtiles, et ce pour plusieurs raisons.
Revenons tout d'abord au problème du temps, en reprenant l'exemple ci-dessus des événements qui, simultanés pour un observateur, sont successifs pour un autre. Vous pourriez vous dire qu'il existe peut-être une façon de regarder les choses qui permette d'affirmer avec certitude que ces deux événements sont simultanés dans l'absolu, et que le fait de ne pas les voir comme tels est dû à une distorsion de la perception. Il s'agirait alors d'une illusion temporelle, à l'instar des illusions d'optique bien connues. Or nous savons que ce n'est pas le cas depuis que les expériences de Michelson et Morley ont montré voici déjà plus d'un siècle qu'il n'existe pas de référentiel absolu nous permettant d'affirmer par exemple que nous sommes en mouvement. Tout ce que nous sommes en droit de dire, c'est que tel objet est en mouvement par rapport à tel autre objet. Par conséquent nous ne disposons d'aucun critère pour privilégier un point de vue sur un autre. Tous sont également valables. Si un observateur voit des événements se produire en même temps et qu'un autre les voit au contraire se produire successivement, aucun des deux n'a tort.
L'autre raison qui explique que nous n'ayons pas affaire à un simple problème de perception mais bien à un problème de définition de la réalité est que l'espace lui-même ne semble pas avoir plus d'objectivité que le reste, ce qui conduit à une remise en cause de la notion même d'objet isolé et indépendant. Pour avoir un petit aperçu de cette idée, nous allons devoir nous plonger dans l'univers fascinant de l'infiniment petit, celui de la physique quantique. Cette théorie est aussi riche en interrogations et en paradoxes qu'en applications. Nous allons nous concentrer pour le moment sur la seule question de la séparabilité, et nous aurons l'occasion d'en aborder d'autres dans les prochains chapitres.
Pour mieux comprendre le problème, commençons par une analogie macroscopique. Supposons qu'un ébéniste parisien fabrique deux fauteuils identiques à partir du bois d'un même arbre. L'un est envoyé à un client américain, l'autre à un client japonais. A New-York, alors que quelqu'un s'assoit pour la première fois dedans, le fauteuil tombe en pièces. Au même instant, à Tokyo, l'autre fauteuil tombe également en pièces, bien que personne ne s'y soit assis. Les compagnies d'assurance mandatent deux groupes d'experts chargés d'établir les responsabilités. Le premier groupe, qui comprend Einstein, Podolsky et Rosen (d'où le nom d'EPR donné à ce paradoxe), considère qu'en vertu du principe de localité qui veut que l'évolution d'une grandeur physique en un point de l'espace ne dépende que de l'expression de cette grandeur en ce point, le fait de tomber en pièces ne peut qu'être imputable à un défaut de fabrication, un vice caché donc. Les physiciens disent dans ce cas qu'il y a une variable cachée non prise en compte par la théorie. L'autre groupe d'experts est composé lui d'ardents défenseurs de la théorie quantique, qui considèrent qu'il n'y a pas de variables cachées, qu'elle est donc complète. Par conséquent le fait que le fauteuil de Tokyo s'écroule en même temps que celui de New-York n'est pas imputable à un vice caché, mais résulte de la nature inséparable des deux objets : ce qui advient à l'un advient aussi nécessairement à l'autre, avec une simultanéité qui exclut toute transmission, toute communication entre eux. Et comme une communication requiert un espace-temps, cela revient finalement à dire que rien, aucune distance, ne les sépare. C'est donc une remise en cause du postulat de localité.
Comment cela se traduit-il en termes quantiques ? Partant d'un système constitué de deux particules qui interagissent puis se séparent, alors, en vertu du théorème de non-séparabilité, les deux particules sont décrites par la même fonction d'onde, d'où il s'ensuit que l'acquisition d'une propriété par l'une force l'autre en quelque sorte à acquérir simultanément la même (3).
La confirmation expérimentale définitive que les partisans de la théorie quantique ont raison contre le clan EPR ne date que d'une dizaine d'années. L'expérience la plus simple à exposer est celle qu'Alain Aspect a réalisé à Orsay en 1982. La figure 1 la décrit très schématiquement.
S est une source qui produit des photons que l'on dit corrélés parce qu'ils sont issus quasi-simultanément d'une même réaction. M1 et M2 sont des dispositifs de changement de direction complètement indépendants l'un de l'autre, extrêmement rapides, 100 millions de fois par seconde, qui envoient le photon1 soit vers le détecteur A1 soit vers le détecteur B1, et le photon2 vers A2 ou B2. La distance entre les dispositifs de changement de direction et la source est telle qu'ils ont le temps de basculer deux fois d'une direction à l'autre pendant la durée de parcours des photons. Ceci a pour but de briser tout lien entre les différents dispositifs, et par conséquent réfute l'argument d'une éventuelle transmission d'un signal entre les deux photons.
Qu'observe-t-on ? Suivons par exemple le parcours du photon1. Il est émis par la source S et chemine jusqu'à M1, qui pendant ce temps bascule plusieurs fois et de façon aléatoire entre les deux directions. Supposons que lorsque le photon arrive sur lui il soit dans une position telle qu'il l'envoie sur le détecteur A1. La même chose se passe de l'autre côté, sauf que les changements de direction de M2 sont complètement indépendants de ceux de M1. Il se peut donc que lorsque le photon2 arrive sur lui il soit dans la position de l'envoyer sur le détecteur B2 et non pas A2. C'est ici qu'intervient le paradoxe de la physique quantique, car c'est bien A2 et non B2 qui reçoit le photon, du fait qu'il est corrélé avec le premier et qu'il se comporte de manière identique. Il est donc passé à travers M2 comme s'il n'existait pas, en suivant son propre chemin, déterminé en fait par son frère jumeau le photon1.
A la vérité les choses sont un peu plus compliquées parce que seuls des comptages statistiques sur un très grand nombre de paires sont possibles. Le résultat toutefois subsiste : le théorème de non-séparabilité est confirmé.
Ce qui ressort du paradoxe EPR, c'est que l'espace semble lui aussi être en partie une construction de notre esprit, car vu par d'autres entités, des particules comme des photons par exemple, il exhibe une allure radicalement différente. Ainsi deux points séparés à un certain niveau deviennent identiques à un autre.
Que tirer de ces quelques réflexions ? La première chose consiste simplement en ceci que : " Tu ne vois pas le monde tel qu'il est, tu le vois tel que tu es " (Talmud). Il faut toutefois se garder d'en conclure que le monde est exclusivement une construction de notre esprit, car il y a suffisamment de régularités et de consensus pour nous inciter à rejeter le solipsisme. Ce qui reste en fin de compte, c'est que les perceptions sont des constructions mentales élaborées à partir de deux éléments :
Soit schématiquement :
Modèle du Monde <----> perceptions <----> Monde
Le fait donc de percevoir l'espace, le temps, ou un quelconque objet, est dû à la fois à quelque chose qui existe dans le Monde et dont nous ignorons la nature réelle, et à une projection de l'idée que nous nous faisons du monde et qui est contenue dans notre Modèle du Monde.
Mais pourquoi, si les choses se passent bien ainsi, avons-nous plutôt en tête le modèle suivant : " La perception est l'activité par laquelle l'âme, au moyen de l'impression produite du dehors de son corps, prend conscience du monde en en formant en soi une image représentative " (Saint Augustin) ? Soit schématiquement :
Objets extérieurs | -----------------> | organes des sens | -----------------> | esprit |
(sensation) | (perception) |
L'élaboration des perceptions s'effectuent donc en deux temps. Tout d'abord les objets extérieurs, dont on suppose qu'ils existent véritablement en tant que tels, envoient des signaux aux organes des sens, ce qui donne naissance aux sensations. A partir d'elles notre esprit construit une image du monde, sensée le refléter le plus fidèlement possible. C'est la perception proprement dite.
Deux raisons expliquent le décalage entre l'approche naïve de la perception et l'approche réfléchie.
La première tient à la nature consensuelle des perceptions, c'est-à-dire que même si parfois des querelles naissent de divergences d'appréciation, les hommes s'accordent sur ce qui est perçu dans l'immense majorité des cas. Partant, il est naturel de faire remonter l'origine de ce consensus à la réalité même des objets perçus. Si vous et nous percevions en même temps une tomate rouge, nous serions tous fortement enclins à la considérer comme un objet existant réellement, c'est-à-dire indépendamment du fait que nous l'observions ou non. En philosophie, on appelle " réalisme naïf " cette position qui relie directement nos perceptions à des objets extérieurs tangibles.
Dans le cadre de notre modèle, le consensus trouve son origine pour une part dans le monde lui-même (parce que même si nous ne savons pas précisément de quoi il s'agit, il existe bien une réalité extérieure commune sur laquelle nous construisons nos perceptions), et pour une part équivalente dans le Modèle du Monde (qui nous est largement commun du fait que nous partageons l'héritage de l'espèce humaine : organes des sens semblables, cerveaux semblables etc.).
Confirmation de cela nous est donnée par la constatation que plus des individus sont culturellement proches, plus ils s'accordent facilement. Car si vraiment le consensus trouvait son origine exclusivement dans la réalité extérieure, comme dans le schéma du réalisme naïf, nous ne devrions pas constater, comme c'est le cas, d'importantes variations en fonction de la culture. On sait par exemple depuis quelques décennies maintenant que la perception des couleurs dépend en partie de la culture. C'est un fait qui a frappé de nombreux ethnologues. Chez les Ashantis, le terme " noir " s'applique à toute couleur foncée, qui pour nous serait bleue, brune etc., tandis que " rouge " sert aussi pour le rose, l'orange et le jaune (4). Chez certaines tribus de Nouvelle-Guinée, le jaune, le vert et le bleu sont perçus comme des variantes d'une même couleur et désignés par le même mot (5). Il est important de préciser que ces regroupement étranges à nos yeux ne sont pas dus à quelque déficience visuelle. En dépit d'un vocabulaire très pauvre en noms de couleurs, tous ces gens sont capables d'effectuer des tris très fins. Mais cela exige d'eux d'importants efforts, car il leur faut s'affranchir des limites qu'imposent leur syncrétisme. C'est comme si l'on nous demandait de ranger des objets bleus selon les nuances bleu marine, bleu ciel, bleu de Prusse, qui ne font pas partie de notre vocabulaire habituel. Nous y parviendrions certes, mais, à moins d'être peintre, cela réclamerait une attention considérable de notre part.
En revanche, tous les hommes ont une perception similaire des formes dans l'espace. Si le bleu n'est pas forcément bleu pour tout le monde, un triangle ou un carré sont pour tous un triangle ou un carré. Cela provient du fait que la partie de notre Modèle du Monde qui construit l'espace vient entièrement de l'hérédité, sans interposition de la culture. Cela commence bien sûr avec la conformation de l'oeil, la disposition des cônes et des bâtonnets sur la rétine, et cela se prolonge dans le cerveau par l'existence d'aires spécialisées dans le traitement de l'information visuelle, où certaines élaborent la verticalité, d'autres l'horizontalité etc. Seuls des états modifiés de conscience, sous l'effet de drogues notamment, conduisent à des distorsions de la perception spatiale, car c'est le fonctionnement même du cerveau qui se trouve altéré.
L'autre raison qui explique le décalage entre notre schéma de la perception et celui du réalisme naïf tient à ce que nous appellerons la toute-puissance d'un Modèle du Monde, parce qu'il est à l'origine d'un cercle vicieux dont il est très difficile de s'extraire. La boucle de ce cercle se décompose ainsi :
Au total, il apparaît bien qu'un Modèle s'impose à chacun par sa toute-puissance, si bien qu'un ébranlement de grande ampleur est requis pour qu'un individu se résolve à le remettre en cause. C'est vrai dans tous les domaines, même en science. Planck, un des fondateurs de la théorie quantique, a dû admettre devant la difficulté qu'il avait à se faire entendre : " Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe jamais en convainquant les opposants et en faisant voir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants finissent par mourir, et qu'il naît une nouvelle génération à qui cette vérité est familière " (Autobiographie). Bien que nous ne le souhaitions pas, nous craignons qu'il en aille de même pour certaines idées exprimées dans cet ouvrage.
Restons-en là pour le moment. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir car la question de la perception est d'importance.
Avant que nous passions à la section suivante, il serait peut-être bon d'expliquer pourquoi nous avons commencé notre réflexion sur la connaissance par la perception. Simplement parce que pour établir la valeur des connaissances, il est un préalable indispensable, savoir comment l'homme qui les construit connaît. Et bien sûr, son premier outil de connaissance du monde est la perception. Nous allons d'ailleurs poursuivre dans cette voie en nous intéressant au problème de la signification.
Pour saisir la continuité entre la perception et la signification, considérons l'exemple suivant.
Une grenouille, chacun le sait, se nourrit d'insectes. Mais qu'est-ce au juste qu'un insecte pour elle ? Cela semble tellement évident : un moustique qui vole, une fourmi qui marche, un papillon posé sur une feuille, etc. En fait, nous avons donné là seulement des exemples de ce que sont pour nous des insectes. La grenouille a peut-être un tout autre point de vue sur la question. Effectivement. Diverses expériences ont montré que sa conception de l'insecte diffère considérablement de la nôtre. Son système perceptif est ainsi fait que l'insecte immobile n'est pas vu, tandis que celui en mouvement déclenche immédiatement une réaction de capture. Une grenouille n'a pas besoin d'apprendre ce qu'est une proie. Dès sa métamorphose, elle happe tous les petits objets mobiles qui passent à proximité. Si ce système de perception en apparence simpliste a été conservé par l'évolution, c'est que les connaissances qu'il permet à la grenouille d'acquérir sur le monde suffisent amplement à assurer sa survie. Il est en effet peu courant que des cailloux se déplacent dans les airs, ce qui veut dire que la correspondance entre petits objets mobiles et insectes s'avère presque toujours réalisée. Nous, êtres humains, sommes sans doute capables de faire le détail entre une mouche et un moustique, et de voir l'identité entre une mouche qui vole et une mouche posée sur une feuille, mais nous sommes en contrepartie moins bien armés pour les capturer. Il est vrai que nous ne nous nourrissons pas d'insectes.
La leçon de cette sage grenouille qui ne cherche pas à se faire aussi intelligente que l'homme est que la nature ne fait pas de l'art pour l'art. Les organes de perceptions dont sont pourvus les êtres vivants ne sont pas des gadgets. Ils ont une utilité parfaitement définie, pour ne pas dire une finalité : acquérir de l'information sur l'environnement pour survivre. En conséquence, les perceptions sont toujours dotées de signification. Elles font sens pour celui qui les construit. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard si le même mot " sens " sert à désigner à la fois la direction, la signification, et la perception (les organes des sens). Il faut sans doute y voir la sagesse de nos anciens qui avaient conscience de ces liens profonds. Car en vérité, nous l'avons vu, la perception n'est pas une simple construction d'une image du monde en nous-mêmes, mais aussi une projection sur le monde de ce que nous sommes, et de ce que nous voulons être.
Nous pouvons également traduire cela en disant que la signification est inséparable de l'action. Par conséquent chacun de nos actes est imprégné de la signification que nous leur donnons. Un chaman sioux, Black Elk, l'avait fort bien compris et exprimé : " Le pouvoir d'une chose ou d'un acte est dans la signification qu'on lui donne et la compréhension qu'on en a ". Illustrons cette idée importante.
Vous vous promenez dans un jardin public par une belle journée d'automne. Le Soleil est encore chaud, les couleurs sont magnifiques, et les gens que vous croisez vous paraissent tous sympathiques. Vous commencez à vous sentir l'âme poétique, quand, soudain, un choc : vous venez de recevoir un marron, le fruit du marronnier s'entend. Vous vous retournez et apercevez un groupe d'enfants en train de jouer. " Ce sont certainement eux ", pensez-vous immédiatement, et vous vous mettez à les réprimander. C'est alors que vous voyez tomber à vos pieds un autre marron. Levant la tête, vous constatez que vous êtes justement sous un marronnier. Vous retrouvez instantanément votre calme et retournez à votre promenade.
Analysons cette expérience que, sous ou forme ou une autre, vous avez tous certainement vécue. Nous constatons que nous ignorons toujours ce qui s'est réellement passé. Le premier marron a pu tomber de l'arbre de lui-même, ou bien être lancé par les enfants sans intention de vous atteindre, on encore être lancé intentionnellement dans votre direction par une tierce personne que vous n'avez pas vue. Dans un premier élan, vous vous êtes dits que les enfants étaient responsables et vous vous êtes mis en colère. Dans un second temps, vous avez choisi de donner à l'événement une explication naturelle, et votre colère est retombée. Pourtant le monde extérieur ne s'est en rien modifié. C'est seulement la signification que vous lui donnez qui a changé. Vous avez dans une certaine mesure créé ces différentes situations. Vous les avez créées effectivement, mais pas comme on crée une simple image mentale, car elles se sont traduites en actes : colère dans un cas, retour au calme dans l'autre.
Vous êtes en droit d'objecter que la portée de cet exemple est limitée du fait qu'il concerne uniquement des émotions, dont chacun sait la volatilité. Admettons. Choisissons donc plutôt quelque chose de moins volatile comme la douleur.
Certains peuples ont à son égard des attitudes qui tranchent avec les nôtres. C'est le cas des Iroquois, qui avaient l'habitude de soumettre leurs prisonniers à d'affreux supplices. Le jésuite Le Jeune, parti là-bas les évangéliser, nous en donne un aperçu : " Ces barbares entassés les uns sur les autres, hurlant au plus fort de leur voix, des brandons à la main, et les yeux étincelants de rage et de fureur, semblaient autant de démons qui ne laissaient point de répit à cette pauvre créature. Ils l'arrêtaient souvent à l'autre bout de la case, certains lui prenaient les mains et en brisaient les os à la force brute, d'autres lui perçaient les oreilles avec des baguettes qu'ils y laissaient prises, l'un de ces bouchers lui appliqua un fer chaud sur les reins ". Ce qu'il faut ajouter, c'est que la victime avait conscience du rôle important qu'elle jouait et du prestige qu'elle retirerait d'une mort glorieuse. Car sa vaillance était une manifestation de sa force vitale. La signification de cette cérémonie était pour elle si grande qu'elle était capable de transcender la douleur : elle se laissait mutiler sans se plaindre, sans crier, chantant ses chants de guerre, et conversant même avec ses tortionnaires entre deux supplices ! (6)
Vous direz que les Iroquois, c'est un autre temps. Certes. Mais savez-vous que de nos jours encore des milliers d'hommes de par le monde s'infligent de leur propre chef ce que nous considérons comme des supplices pour l'amour de leur dieu ? Exemple parmi d'autres : des soufis du Kurdistan se laissent planter des couteaux dans le crâne à coup de marteaux, se transpercent l'abdomen de part en part au niveau du nombril, et ce sans ressentir la moindre douleur ni jamais tomber malade malgré des conditions d'asepsie plus que douteuses. Il va de soi qu'ils ne font usage d'aucune drogue. La signification qu'ils donnent à leur acte suffit. Une seule condition est exigée : la soumission sincère et totale à leur Dieu (7).
De tels excès ne sont pas sans rappeler les macérations et les mortifications des ascètes chrétiens du 5ème siècle surnommés les fous du désert. Un des plus célèbres de ces saints est Siméon. Son ardeur était telle qu'elle effraya même les moines du monastère de Téléda, pourtant connaisseurs. Ils finirent par le flanquer à la porte, et, après diverses péripéties, il se retrouva au sommet d'une colonne d'où il ne descendit plus jusqu'à sa mort. De là son surnom le Stylite. Exposé à toutes les intempéries sur sa plate-forme d'à peine deux mètres de côté, son corps se couvrit de plaies, où des vers s'installèrent : " Il en tombait de son corps sur ses pieds, de ses pieds sur la colonne, et de la colonne à terre, où un jeune homme nommé Antoine qui le servait et qui a vu et écrit tout ceci, ramassait à son commandement les vers tombés à terre et les lui redonnait. Siméon alors les remettait sur les plaies disant : mangez ce que Dieu vous a donné " (8).
Ces exemples exotiques ne doivent pas masquer le fait que tous nous avons probablement vécu des expériences témoignant de la puissance de la signification, bien moins spectaculaires évidemment.
Il s'agit par exemple de l'effet placebo, aujourd'hui bien connu et étudié. Le mécanisme en est simple. Vous vous rendez chez votre médecin parce que vous ressentez tel ou tel symptôme. Celui-ci vous prescrit un médicament dont il vous vante abondamment les mérites. Vous vous précipitez de le prendre, et, ô miracle, les symptômes reculent. Ce que vous ne savez pas, c'est que le médicament en question n'est peut-être qu'une pastille de sucre !
Il est aussi des cas où le médecin lui-même, ou le dentiste, provoque l'effet placebo. Vous souffrez tout le week-end de divers troubles, et le lundi, lors de la consultation, les symptômes disparaissent comme par enchantement. Qui n'a pas vécu cela ? Dans certains cas l'effet est inversé, c'est-à-dire que la présence du médecin accroît les troubles.
Arrêtons là la démonstration. Chacun trouvera en lui maintes expériences qui confirment cette idée : "L'importance d'une chose ou d'un acte est dans la signification qu'on lui donne et la compréhension qu'on en a ". Par exemple que n'est-on capable de faire par amour ?
Nous allons rester encore un peu avec la signification, mais en l'abordant d'une autre manière.
Si nous vous posons la question " que faites-vous en ce moment ", vous pouvez répondre de bien des façons : 1. " Je suis en train de lire un livre " ; ou bien 2. " Je suis en train de lire les mots " je suis en train de " " ; ou encore 3. " Je regarde une page sur laquelle sont inscrites des lettres " ; ou encore 4. " Mes yeux reçoivent des photons, qui sont transformés en signaux électrochimiques, qui sont transmis à mon cerveau ", etc.
De toutes ces réponse, vous ne diriez pas que l'une est plus vraie qu'une autre. Toutes sont valables.
Mais alors ne pourrait-on penser que certaines se ramènent à d'autres, c'est-à-dire que par exemple le fait de voir des lettres découle du fait que les yeux reçoivent des photons. Effectivement, l'approche réductionniste consiste à prétendre que tout s'explique par les événements qui se déroulent au niveau le plus élémentaire, à savoir celui de la matière. L'ennui est qu'on observe très souvent dans le monde vivant une autonomie de l'objectif par rapport aux contraintes matérielles. Pour ne prendre qu'un exemple, l'objectif " voler " a été atteint dans le monde vivant par des espèces très différentes, avec une incroyable diversité de moyens : nageoires des poissons volants, ailes et plumes des oiseaux, membranes de peau des chauves-souris, membranes semi-rigides des insectes, etc. Dans ce cas, il semble bien que la réalisation effective dans la matière de l'outil de vol soit la conséquence d'un projet, d'une intention, existant sur un autre plan. C'est ce qui incite certains à opter pour une approche finaliste, où ce sont alors les niveaux les plus élevés qui déterminent les niveaux inférieurs. Malheureusement, eux aussi butent sur un obstacle, car en faisant remonter d'un cran le niveau pertinent, ils s'embarquent dans un processus qui n'a pas de fin : chaque signification d'un certain niveau renvoie à une signification de niveau plus élevé, et ainsi de suite. La régression s'achève alors sur l'infini ou sur dieu, ce qui ne résout pas le problème.
Où en sommes-nous ? Il semble que nos réflexions débouchent sur une certaine confusion, bien qu'elles soient pour la plupart tirées du bon sens. En particulier, la frontière entre objectif et subjectif, entre observateur et observé, entre connaissance et action, devient de plus en plus difficile à tracer, ce qui aboutit à ne plus trop savoir comment apprécier la validité d'un jugement. De là à conclure que le réel est inconnaissable, il y a un pas que nous nous garderons de franchir trop précipitamment.
En fait le bilan est moins sombre qu'il n'y parait, car chemin faisant, nous avons mis au jour quelques mécanismes fondamentaux du système cognitif de l'être humain. Ils vont être de précieux outils pour comprendre le fonctionnement de la science et de la société.
Perception, vous avez dit perception ! C'est quoi au fait ce truc ? " Fait de connaître le monde avec ses sens et son esprit " nous dit le dictionnaire. Belle définition mais un peu courte pour un mot si important. Cette perception qui nous fait connaître le monde devrait être un peu plus décortiquée, pensée, ressentie. Les philosophes ont déjà fait le travail, direz-vous. Et nous alors ! Cette recherche nous concerne au moins autant qu'eux. Puisque tous les hommes de la planète se créent une image du monde à partir de la perception, nous avons le droit de savoir comment elle fonctionne. D'accord, mais on vous avertit, le mot est magique. On ne sait jamais où il va nous entraîner. Qu'importe ! Partons tout de même à la découverte
C'est par les sens que tout commence. Ce sont bien eux en effet qui nous transmettent les premières informations sur ce qui nous entoure. Naître au monde veut dire ouvrir ses sens au monde. Des sens limités, et nous voici déjà dans les premières difficultés. Les sens humains sont programmés génétiquement pour voir, entendre, sentir, toucher certaines vibrations et pas d'autres. Ils sont branchés sur la seule réalité qu'ils peuvent décoder, et ils ne nous parlent que de cela. La mouche, avec ses yeux à facettes, la chauve-souris avec son sonar, la fourmi avec ses phéromones, voient, entendent ou sentent autrement. Le point de départ est donc différent selon l'espèce à laquelle on appartient.
Ce n'est hélas pas tout. Même si nous réussissions à imaginer les sensations des autres espèces, il nous manquerait un maillon pour comprendre. Car quoiqu'il arrive nous ne saurons jamais comment la mouche ou la fourmi interprètent les informations sensorielles qu'elles reçoivent, autrement dit quelles sont les significations qu'elles mettent dessus. Cela veut dire que chacun possède dans la tête un livre du monde pour pouvoir décoder ce que les sens envoient. Et que ce décodage soit conscient ou pas ne change rien à l'affaire.
Ce livre est le mode d'emploi du réel. On pourrait penser comme les anciens qu'il s'écrit au fur et à mesure que nous arrivent les informations des sens. Mais il n'en est rien. On s'aperçoit vite qu'il est déjà en place avant même que nos sens interférent avec le monde. Il suffit de regarder un nourrisson humain. Toutes les maman le savent mais les scientifiques l'ont vérifié. Ils ont ainsi prouvé que le bébé associe des réactions de plaisir ou de déplaisir à toutes ses sensations. Dès sa venue au monde, il met du sens sur ses sens. Il préfère par exemple instinctivement le goût sucré au goût salé, les surfaces douces aux surfaces rugueuses, l'odeur de sa mère à toutes les autres odeurs. Un bébé d'une autre espèce réagira d'une toute autre manière. Par exemple un bébé lézard de Komodo, une espèce qui descend directement des reptiles du secondaire, interprète l'odeur de sa mère d'une manière qui lui est propre. Pour lui c'est franchement désagréable. Il comprend : " Petit, sauve-toi vite sinon ta maman va te manger ". Mais ce que nous disons là n'est en fait qu'une interprétation que nous projetons avec nos mots et notre conscience. Il faut bien l'admettre, nous n'aurons jamais la représentation réelle du monde de la mouche, de la chauve-souris ou du lézard. Il nous manquera toujours leur livre, leur mode d'emploi, celui des significations qui leur sont propres.
Mais d'où viennent tous ces livres ? Le bon sens dirait que c'est ainsi depuis toujours. Et d'une certaine manière il aurait raison. Nous baignons en effet depuis longtemps dans un consensus qui fait qu'à telle information des sens correspond telle signification. Nous nous entendons par exemple sur le fait que telle couleur est rouge, que tel objet est solide, que telle chose est une rose. Ce livre de significations s'est construit au fil des générations d'êtres vivants. Jour après jour, le langage, l'éducation, la culture, la vie, enrichissent et complexifient l'ouvrage. A tel point que l'image que nous nous faisons du monde acquiert son autonomie par rapport à la représentation primitive. Elle devient tellement construite, tellement solide que le monde est désormais en nous, et qu'il n'est plus possible de voir autre chose.
Finalement, l'image du réel que nous tirons de la perception n'est rien d'autre qu'une construction de pensée élaborée grâce au livre de significations à partir des messages sensoriels.
La leçon de cette histoire est simple : chaque espèce, chaque être, construit sa propre réalité, une réalité nécessaire à sa survie. Car qu'on le veuille ou non, réalité vraie ou pas, nous existons ! Tout est donc bien dans le meilleur des mondes. Pourtant il y a encore un hic. Pourquoi, bien qu'ayant compris le mécanisme de la perception, tenons-nous notre réalité pour la seule vérité ? Mais parce que ça marche ! Le consensus est efficace puisqu'on est là pour en parler. L'homme a survécu grâce à lui. Voilà pourquoi il ne veut pas en changer. Voilà aussi pourquoi il a confondu un peu vite succès avec vérité. Aujourd'hui, le même problème se pose avec la dernière vérité en date, la science. Cela, c'est la suite de l'histoire que nous allons vous raconter
1. B.L. Whorf, Language thougt and reality, the M.I.T. press, 1956.
2. EINSTEIN et INFELD, L'évolution des idées en physique, champs Flammarion, 1983.
3. Franck LALOE, Les surprenantes prédictions de la mécanique quantique, La Recherche n°182, novembre 1986.
4. WALLIS cité par KLINEBERG, Psychologie sociale, tome 1, P.U.F.
5. MEAD et SELIGMAN cités par KLINEBERG, Psychologie sociale, tome 1, P.U.F.
6. Serge BRAMLY, Terre wakan, Robert Laffont, 1974.
7. Chris KUTSHERA, Nuit d'extase chez les derviches , V.S.D., 1992.
8. Aimé MICHEL, Métanoïa, spiritualités vivantes Albin Michel, 1973.
Chaman: le chamanisme est un ensemble de pratiques fort anciennes, que l'on retrouve sur tous les continents, et qui vise notamment à maintenir le bien-être des individus et des communautés. C'est un système complet, métaphysique, mythologique, rituel, dans lequel corps et esprit ne sont pas séparés. Le chaman est celui qui a la connaissance et la maîtrise de ces techniques. Il apprend et il opère lors de " voyages " dans des réalités non-ordinaires en état de conscience modifié, provoqué généralement par des drogues.
Etendue: " La nature de la matière, ou du corps pris en général, ne consiste point en ce qu'il est une chose dure ou pesante ou colorée ou qui touche nos sens en quelque façon, mais seulement en ce qu'il est une substance étendue en longueur, largeur, et profondeur. " (Descartes, Principes philosophiques).
Finalisme: doctrine philosophique qui explique l'évolution des choses par le but, la fin, poursuivi. Il y a deux variantes. Selon la première, l'action se fait par rétrocausalité, c'est-à-dire que l'objet futur agit maintenant pour orienter son évolution actuelle. Cela suppose évidemment une réversibilité du temps. La seconde variante est plus compatible avec le caractère irréversible des transformations dans la Weid. Elle consiste à voir dans la finalité une simple projection d'un état futur désiré.
Ontologie: étude de ce que sont les choses en elles-mêmes, en insistant sur ce qui constitue leur " existence réelle ", leur substance donc, par opposition à leur " apparence ".
Photon: objet physique de masse et de charge nulles, se déplaçant à la vitesse de la lumière, et caractérisé par sa fréquence de vibration ou son énergie. Un photon manifeste une nature à la fois ondulatoire et corpusculaire. Par exemple les cellules de l'oeil réagissent à l'aspect corpusculaire des photons qui constituent la lumière, tandis qu'une antenne de télévision réagit à l'aspect d'onde des photons composants le faisceau électromagnétique véhiculant l'image.
Réalisme naïf: croyance consistant à admettre sans critique l'existence d'un monde d'objets matériels et de sujets conscients.
Réductionnisme: doctrine philosophique selon laquelle la compréhension des constituants les plus élémentaires d'un être composé suffit à rendre compte de son existence et de son évolution. On parle souvent du réductionnisme cartésien, parce qu'il est dit dans le célèbre Discours de la méthode: " Diviser chacune des difficultés que j'examinerai en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre...Conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu... "
Solipsisme: opinion selon laquelle seule existe ma conscience individuelle, la nature et les autres hommes n'ayant pas plus de réalité qu'un rêve. Il est un fait que notre conscience ne témoigne à chacun que de sa propre existence: je sais que je pense, mais je ne pourrai jamais être assuré de l'existence des objets en-dehors de moi, ni de l'existence d'autres êtres conscients. La sortie du solipsisme ne peut se faire que par un postulat, à savoir que je ne suis pas le seul être conscient.