construire des enceintes hifi haut de gamme
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Mon chantier de l’été 2019:
Près de 1000€ de fournitures diverses et
quelques centaines d’heures en réflexions, conception,
fabrication, mais je ne le regrette pas: ce sont les meilleures
enceintes que j’ai jamais eues.
Cela faisais longtemps que je voulais construire des enceintes hifi et j’ai fini par passer à l’acte.
Outre le plaisir de concevoir et fabriquer, il y a une raison que je qualifierai de psycho-physiologique. Amateur de musique depuis toujours, ayant dépassé la soixantaine, j’ai eu l’occasion d’écouter pas mal de systèmes hifi, dont mon dernier, excellent à mon goût, m’a apporté beaucoup de satisfactions.
Pourtant je ne suis plus entièrement satisfait: certes le son est excellent, la musique coule, mais au bout d’un moment mes oreilles n’en peuvent plus. Je me souviens de mes premières enceintes hifi dans les années 70 (des petites Bang&Olufsen closes à 3 voies), que je pouvais écouter longtemps sans ressentir d’irritation. Certes je n’ai pas écouté tout ce que les fabricants proposent aujourd’hui et je ne doute pas que quelques uns ont des produits aussi satisfaisants à l’écoute et plus performants dans leur rendu sonore que ces antiquités. Je pense notamment aux petites anglaises de Harbeth, Spendor ou Proac. C’est probablement vers un produit de ce genre, héritier amélioré de la fameuse BBC-LS3/5, que je me serais orienté si je ne m’étais pas décidé à en fabriquer moi-même. Quoique leur prix a de quoi rebuter...
C’est d’ailleurs aussi pour des questions de prix que je me suis décidé à passer à l’acte. Quand j’ai réalisé que dans des enceintes à 2000€ la paires il n’y a guère plus de 500€ de composants, je me suis dit qu’il valait mieux dépenser 1000€ en fournitures de haute qualité. De fait chacun des basse-médium de mon projet vaut près de 135€ et chaque tweeter près de 250€. Donc avec les éléments des filtres cela fait déjà près de 800€ de matériel pour la paire. On ne trouvera jamais de tels composants dans des enceintes toutes faites à 2000€.
Je ne suis pas nostalgique ni fanatique de vintage. Pour en rester aux enceintes, je reconnais que de notables progrès ont été accomplis ces dernières décennies concernant notamment la qualité des hauts-parleurs, la conception des filtres, et l’adéquation de la caisse aux caractéristiques électromécaniques des hauts-parleurs. Cela se traduit par une plus grande transparence du son, une extension aux deux bouts du spectre, qualités en outre conservées à forte puissance. Reste que ça ne suffit pas à assurer l’adéquation entre la pièce d’écoute, les oreilles de l’auditeur, son style d’écoute, ses genres musicaux préférés, la qualité des sources utilisées...
Il m’a fallu du temps avant de trouver le modèle qui me conviendrait. J’ai explorer la voie du coaxial (à base d’Eminence beta 10cx ou 12cx), du large bande (Visaton B200 ou Supravox RTF64 bicone), pour m’arrêter finalement sur le kit A26 de Seas.
Avant de le détailler, quelques mots sur mon cahier des charges, à la fois contraignant et peu contraignant selon les critères:
- pas besoin d’aigus qui montent dans les ultrasons: je pense que ça ne sert à rien, et même que ce n’est bon ni pour les oreilles ni pour la musique, mais c’est devenu une mode de proposer des produits qui atteignent 30kHz;
- pas besoin non plus de graves qui font trembler les meubles et massent les viscères;
- mais je veux quand même des graves de qualité, bien tenus,
- ainsi qu’une relative facilité de placement des enceintes; pour ces raisons une charge close a ma préférence sur le bass-reflex; hélas, peu de fabricants d’enceintes proposent encore des modèles en charge close car le bass-reflex donne un rendu immédiat plus flatteur dans le grave, quoique moins précis; c’est pourquoi aussi les fabricants de hauts-parleurs ont peu de modèles aptes à fonctionner en charge close, ce qui réduit notablement les possibilités;
- pas besoin de puissance démesurée, ce ne sont pas des enceintes pour animer des boums ni sonoriser des salles de concerts, et mes oreilles d’ailleurs ne le supportent plus;
- en revanche je veux un rendement correct qui n’étouffe pas la dynamique;
- et aussi une impédance bien maîtrisée pour pouvoir réutiliser mon amplificateur John Shearne phase 2 que j’aime beaucoup, mais qui a pour défaut de ne pas supporter les trop basses impédances;
- donc pas de filtres exagérément compliqués pour compenser des raccords imparfaits entre les hauts-parleurs et des accidents de leurs réponses, qui, à moins de les rendre encore plus compliqués, se traduisent par des problèmes de phase, de rendement, d’impédance, sans parler du coût si l’on veut y mettre des composants de qualité et de la difficulté de construction;
- je veux encore une écoute qui ne soit pas fatigante,
- et un son qui reste de qualité à faible volume;
- enfin, étant plutôt impatient, je ne veux pas passer des jours en mise au point minutieuse: une fois finies, je branche, et ça doit marcher, quitte à peaufiner plus tard.
Le kit A26 proposé par Seas est la version modernisée d’une enceinte devenue légendaire, la Dynaco A25, dont Gordon Holt, fondateur de Stereophile Magazine, disait: « You will have a hard time buying more musical naturalness at any price. » Preuve en est que plus d’un million d’unités ont été vendues depuis son introduction en 1969.
Dans un premier élan, je me dis que je peux y aller les yeux fermés parce qu’autant de mélomanes et d’audiophiles ne peuvent se tromper. Mais quand je vois l’engouement, à mon sens immérité, pour le vinyle, les amplis à tube, et les câbles ésotériques, je me dis qu’une croyance largement partagée ne fait pas une vérité. Donc il faut y regarder de plus près.
Voici quelques raisons qui, sur le papier, m’incitent à voir dans le A26 une enceinte qui me conviendrait:
Tout d’abord il y a le haut-parleur de basse-médium A26R4. Ses spécifications sont données ici:
Une remarque en passant: Seas est réputé pour la conformation de ses produits aux spécifications annoncées, ce qui permet de construire des enceintes en toute confiance sans avoir a faire de fastidieuses mesures sur chaque haut-parleur.
Il ressort de ces caractéristiques:
- une courbe de réponse régulière, sans
accidents;
- avec une décroissance progressive à partir de
1000Hz;
- des caractéristiques électromécaniques le
rendant apte à fonctionner en charge close.
Quant au tweeter T35C002 (seas_T35C002_Datasheet.pdf) il présente
entre autres caractéristiques:
- une courbe de réponse également régulière et
sans accidents;
- une fréquence de résonance très basse (620Hz)
qui lui permet de s’ajuster naturellement à l’autre haut-parleur
qui ne monte pas bien haut dans l’aigu.
Tout ceci a des conséquences intéressantes pour
le filtrage:
- l’emploi de haut-parleurs linéaires dont les
courbes d’atténuation se complètent permet un filtrage minimum;
- le basse-médium peut carrément fonctionner
sans aucun filtrage;
- quant au filtrage du tweeter, deux composants en
série suffisent: une capacité de 3,3μF
pour un coupe-bas qui le protège des énergies de basse fréquence,
et une résistance de 10Ω
(ou 12 ou 8,2 au choix selon
le niveau des aigus souhaité)
pour ajuster sa sensibilité à celle du A26R4.
Une autre
originalité du Dynaco A25
reprise dans le A26 concerne la charge: une variante de charge close
dite apériodique. Il s’agit en fait d’une charge close qui
‘fuit’ légèrement, avec un débit de fuite régulé par une
résistance d’écoulement qui consiste simplement en une ouverture
bourrée de matériau amortissant. Comme
expliqué dans ce document de Dynaudio (en anglais, pour les
amateurs), cela réduit l’impédance maximum et confère un
meilleur amortissement des oscillations de la membrane du
haut-parleur dans les basses fréquences, d’où une réponse dans
le grave améliorée, plus
nette et plus précise.
En pratique, on
peut employer une résistance toute faite comme ce Flow Resistance
Vent de Scanspeak:
Ou se contenter, comme sur le A25 original et comme aussi Seas le préconise pour le A26, de faire une ouverture dans la caisse bourrée d’une quantité appropriée de matériau amortissant.
Voici les documents originaux de Seas permettant de se construire des enceintes A26:
J’ai décidé
d’y apporter quelques modifications et de réaliser plutôt des
petites colonnes. Deux raisons à cela:
Pour mon usage,
avec leurs 510mm de hauteur, il aurait fallu ajouter des pieds. Cela
ne m’emballait pas, tant pour l’esthétique que pour le travail
supplémentaire exigé. Donc autant faire des petites colonnes qui
seront d’emblée à la bonne hauteur.
D’autant que
cela modifie un peu la réponse dans le grave dans un sens favorable.
Voici tout d’abord un tableau comparatif des dimensions intérieures de l’A26 originale et de la variante que j’envisage (en millimètres):
|
hauteur |
largeur |
profondeur |
volume |
A26 |
472 |
272 |
222 |
28,5 litres |
variante colonne |
774 |
274 |
224 |
47,5 |
remarque: les
dimensions sont choisies pour être dans des rapports irrationnels
774 divisé par
√8 donne 274
274 divisé par
√1,5 donne 224
Voici ce que cela
change pour la réponse dans le grave:
|
volume apparent |
Qtc |
Fb |
F3 |
A26 |
34 |
0,95 |
49 |
61 |
variante colonne |
57 |
0,78 |
46 |
50 |
Les connaisseurs apprécieront...
Hormis la
hauteur, les changements sont minimes par rapports aux plans de Seas:
- l’implantation
des hauts-parleurs est la même
- le filtre est
inchangé
- l’amortissement
de la caisse passe de 50 grammes à 80
- la résistance
d’écoulement passe d’une surface de 66cm² avec 12g de laine
d’amortissement polyester à 100cm² avec 20g
- sa position
passe à l’arrière
Je ne rentrerai pas davantage dans les détails de la construction, à chacun sa cuisine. À toutes fins utiles, je me contenterai de donner cette
et de montrer ces quelques photos
On voit bien:
- le tapissage
intérieur avec de la laine d’amortissement
- les tasseaux de
renfort de la structure
- le trou du
bornier
- la résistance
d’écoulement
Vue arrière sur le bornier et la grille de sortie de la résistance d’écoulement:
Dernière étape avant le montage des hauts-parleurs.
Et enfin:
La musique coule naturellement.
Le son est transparent sans être agressif.
Les basses sont précises et présentes sans être
envahissantes.
Tout est clair même sur des signaux complexes
(genre grand chœur et orchestre), à condition de rester à niveau
modéré. Car à niveau élevé, de la distorsion se fait entendre
sur des grandes masses orchestrales
(distorsion d’intermodulation due au fait qu’un grand
haut-parleur est utilisé sur une large bande de fréquences).
Autre faiblesse, une
sorte de métallicité sur certains aigus féminins (lorsqu’ils
tombent sans doute dans la zone de recouvrement des hauts-parleurs).
Ceci dit, les
qualités l’emportent largement sur les défauts, du moins à mes
oreilles et pour le moment.
« The Seas A26 kit put a smile on my face, as it harkens back to an earlier time in speaker design. Up until the mid to late 70’s, speaker designs were done almost entirely by ear, and the A26 appears to have been done utilizing that methodology. Back then, T/S parameters were a novel new concept, and design hardware and software were prohibitively expensive for all but the largest manufacturers. I’m not surprised at your comments on the design sonic qualities. They could be easily predicted from the accompanying documentation you provided. Briefly:
Old school: The woofer and/or mid driver was run
full range, taking advantage of the natural 2nd order acoustic roll
off of the driver to perform the LP filtering.
New school: Crossover components are used to apply
a LP filter in order to keep the driver in its pistonic frequency
band.
Old woofer/mids were designed for a smooth roll
off at the higher frequency limit. This resulted in a heavily damped
cone that absorbed some of the cone break up modes, but also resulted
in energy storage and muffled complex music reproduction. Newer
designs are optimized for less energy storage, but their stiffer
cones also exhibit greater break up modes due to cone resonance.
Old school: Diffraction effects were dimly
perceived at that time, but one obvious one was what we call ‘baffle
step’. Sealed enclosure volumes were often chosen to provide a Qts
of around 1.0 instead of the optimal Q of 0.707 which provides
maximum frequency extension. The higher Qts caused a peak in the knee
of the woofer low end roll off, adding 2-3 dB and partially
compensating for the loss in apparent SPL as the woofer went from a
2pi to a 4pi acoustic environment. This phenomenon is of course
because the wavelengths of the lower frequencies exceed, and
therefore cannot be supported by, the speaker baffle dimension.
New school: Baffle step compensation is built into
the LP filter for the woofer / midwoofer. Since this is a ‘loss’
of SPL compared to the ‘gain’ of the high Qt design, the overall
sensitivity of the new school design is a few dB lower. However,
watts are cheap and plentiful in today’s amplifiers, so it is an
easy hurdle to overcome.
One final but significant comparison between the A26 design and today’s designs: As a result of crossing the woofer so high, the lateral off axis performance of the design suffered, resulting in a poor power response. Essentially a significant dip in output results below the crossover frequency. Today most crossovers are designed to limit the pass band of the woofer / mid to frequencies that exhibit linear off axis performance. With the improvements of today’s drivers, as well as the cost effective software and calibrated hardware available, a typical well turned out 15cm 2 way such as the Micro Statements or Finalist Monitors would almost certainly exceed the performance of the A26 in almost every regard. A well turned out 3 way design will raise the standard even further. »
Curt Campbell
communication personnelle, avec son aimable autorisation