Vie des formesetformes de vieVahé Zartarian(1997) |
Voici une nouvelle approche de la morphogenèse qui part de l'idée que la forme d'un être vivant n'est pas un simple bout d'espace modelé par des forces extérieures mais la matérialisation d'une intention qui vient du dedans, parce qu'elle doit avoir un sens pour l'être qui la conçoit et les êtres qui la perçoivent.
prologue / les formes des êtres vivants / le sens des formes / de l'intention à la forme incarnée
Prendre 40 litres d'eau pure, 5 kilogrammes de carbone, 4 kilos d'hydrogène et d'oxygène libres, 1 kilo d'un mélange d'azote, de soufre et de potassium, plus quelques pincées de fer, de calcium, de sodium, etc. (j'abrège car la liste est longue), bien mélanger le tout et attendre.
Attendre quoi au juste? Qu'un improbable miracle ordonne tout ça en un corps humain viable! Improbable parce qu'on sent bien l'énorme gouffre qui sépare cette bouillie informe d'un corps d'être vivant qui marche, court, saute, rit, pleure, chante. Pourtant, réduit à ses constituants élémentaires, ce corps ne contient rien de plus que de l'hydrogène, de l'oxygène, du carbone, plus quelques autres éléments. Il y a donc forcément autre chose qui intervient dans sa fabrication.
L'hypothèse scientifique qui prévaut actuellement pour expliquer la genèse des êtres vivants se résume ainsi:
Un certains nombre d'observations viennent évidemment étayer ce modèle, par exemple le fait que des modifications génétiques produisent des variations morphologiques. Chez la mouche drosophile, communément appelée mouche du vinaigre, les biologistes savent produire des mutations qui transforment des antennes en pattes, des balanciers en ailes, etc.
Mais il faut être conscient qu'il y a dans ce modèle séduisant des failles énormes. Sans rentrer dans les détails (1), il semble bien que l'édifice tienne surtout grâce à la force des incantations, au même titre que le dogme chrétien de l'immaculée conception, ou l'hypothèse cosmogonique du Big-Bang. Cent fois, mille fois, un million de fois l'histoire est répété, tant et si bien que l'intelligence finit par s'atrophier, au point de ne plus être capable de discerner qu'il ne s'agit là que d'une hypothèse et pas d'une vérité définitive et infaillible. Alors, une nouvelle fois, l'envie me prend de sortir mon sabre pour tailler à vif dans ces idées reçues. Mais par chance, d'autres, bien plus compétents que moi, l'ont déjà fait.
Lever la tête de feuilles noircies de formules moléculaires et de calculs statistiques, regarder la nature autrement qu'avec un microscope, voir les êtres qui l'animent, voilà déjà qui remet les idées en place. Un peu de bon sens fait le reste. Je pense en particulier aux travaux de Sheldrake et de Chauvin (2). Certes, les hypothèses qu'ils formulent à leur tour n'emportent pas forcément l'adhésion. Mais un certain nombre d'exemples indiscutables qu'ils citent chemin faisant (j'en reprendrai d'ailleurs quelques uns plus loin) nous obligent à aller au-delà des idées simplistes, et l'ensemble de leurs critiques a un effet décapant des plus salutaire.
L'objet de cet essai n'étant pas de proposer une énième théorie de l'évolution des espèces, je ne m'aventurerai pas plus avant sur ce terrain. Les auteurs cités, ainsi que d'autres, seront à même de combler les lecteurs désireux d'approfondir la question. Ce petit détour avait pour seul but de suggérer qu'en touchant à la forme des êtres vivants, c'est au coeur même de la vie que l'on parvient. Et nous verrons d'ailleurs au terme de cet essai que nous serons à même de dépasser la conception trop terrestre, c'est-à-dire forcément limitée, que nous nous faisons actuellement de la vie. Nous serons ainsi conduits à voir dans le système solaire lui-même un être vivant à part entière! Mais j'anticipe. Avant d'en arriver là, voyons déjà ce qui se passe ici, sur Terre.
La nature nous offre un catalogue de formes d'une richesse inouïe. Quoi de commun entre une minuscule diatomée au squelette de silice et un séquoia géant de 100 mètres de haut, entre une méduse molle et transparente et un bélier au front dur comme de la pierre, entre un pinson et un requin, une abeille et un dauphin? Pouvons-nous trouver des règles générales présidant à l'élaboration de ces formes? Des observations de bon sens devraient nous aider à gagner quelque compréhension de ce sujet éminemment complexe.
Première remarque: des formes semblables peuvent être obtenues par des mécanismes très différents. Par exemple les graines d'érable sont munies d'une aile pour être mieux dispersée par le vent, qui ressemble fort à une aile de libellule. Seulement l'une est végétale et l'autre est animale! Voyez aussi les images de la figure 1 (dans les formes de la nature, de Stevens, chez Seuil, page 208)
. Elles montrent six structures en écailles qui présentent un indéniable air de famille. Pourtant ces formes appartiennent à des espèces très différentes: a. est la peau d'un serpent, b. la peau d'un poisson, c. la peau du pied d'une tortue, d. la carapace faite de poils soudés du pangolin myrmécophage, e. une graine d'asclépiade, f. des plumes du paon de Java!
Inversement, des mécanismes semblables peuvent donner naissance à des formes très différentes. Je ne citerai que l'exemple des coquilles de mollusques: impossible de confondre la rectitude du couteau de mer avec la spirale mathématique du nautile, la coupelle parfaite de la coquille St Jacques avec les décrochements tourmentés de l'huître. Il s'agit pourtant dans tous les cas de calcium déposé selon le même processus.
Voilà qui m'amène à une autre remarque. Tous les êtres vivants sur cette Terre sont bâtis à partir des mêmes éléments de base, ceux de la recette donnée en ouverture de cet essai, dans des proportions qui varient évidemment de l'un à l'autre. La preuve en est qu'ils sont tous comestibles les uns pour les autres. Chacun est tour à tour prédateur et proie, se nourrissant de certains êtres, pour servir ensuite de nourriture à d'autres.
La similitude va même plus loin. Non seulement les êtres vivants ont une composition chimique semblable (hydrogène, oxygène, carbone, etc.), mais en plus c'est le même principe de codage qui sert à tous à faire fonctionner la machinerie cellulaire (3).
Et l'étonnant est que lorsqu'on change d'échelle pour passer au niveau macroscopique des formes, une sorte de similitude se retrouve au sein de chacun des grands règnes. Cette fois la ressemblance est d'ordre topologique. Pour sentir en quoi elle consiste, imaginez deux glands de chêne. Vous pouvez les planter et faire de l'un un bonsaï de 20 centimètres de haut, et laisser l'autre pousser jusqu'à atteindre 20 ou 30 mètres. Vous n'aurez sûrement aucun mal à admettre leur parenté de forme par delà leur différence de taille.
Plus généralement, il est possible, par une série de transformations plus ou moins compliquées, de rendre superposables toutes les formes d'arbres, ou toutes les formes de poissons, ou toutes celles d'insectes, de mammifères, etc. Le travail de pionnier dans ce domaine a été accompli au début du siècle par le biologiste d'Arcy Thompson. Dans son ouvrage devenu mythique On growth and form, il a ouvert la voie à l'exploration des formes vivantes. Voici par exemple une planche qui illustre cette approche: figure 2 (4).
Reste tout de même que par delà toutes ces similitudes constitutives et topologiques, chaque être vivant est unique et parfaitement reconnaissable. Pour nous limiter à la catégorie des êtres humains, chacun sait la facilité que nous avons à reconnaître les visages (5). C'est au point que, souvent, quelques traits suffisent pour identifier quelqu'un sans la moindre ambiguïté. Et tout l'art des caricaturistes est de choisir justement les "bons" traits!
Dernière remarque. On constate souvent dans la nature que le plus simple cohabite avec le plus compliqué, voire le plus extravagant. La figure 3 en donne quelques exemples, qui sont loin d'être exceptionnels.
Qu'on ne vienne surtout pas nous dire que le milieu a sélectionné ces protubérances malcommodes parce qu'elles conféraient à ces punaises un avantage pour leur survie! Quitte à faire un commentaire, je préfère dire comme Chauvin que c'est "de l'art pour l'art".
D'une manière plus générale, on ne saurait dire que la forme est déterminée par la fonction. Si une étonnante convergence a conduit l'aile de la graine d'érable à ressembler à une aile de libellule, il n'en va pas de même dans la plupart des autres cas: impossible de confondre une aile d'insecte avec une aile d'oiseau ni avec une aile de chauve-souris. Et ces différences ne sont pas imputables à des différences de poids à porter ou de distance à parcourir: l'aile de l'oiseau-mouche a plus de parenté avec celle de l'aigle qu'avec celle des papillons, dont certains spécimens sont pourtant aussi gros que lui; d'autre part, il y a des insectes qui franchissent des montagnes et des océans, et des oiseaux dont les ailes ne servent plus au vol (autruches, pingouins, etc.). Bref, rien n'est simple!
Qu'est-ce qui ressort de ces remarques, jetées, je l'avoue, un peu en vrac? Que chaque fois qu'on croit tenir un début d'explication à la forme des êtres vivants, on découvre que le contraire est également vrai! Voilà qui ne semble guère nous avancer. Mais les apparences sont trompeuses, car une règle émerge malgré tout de ce fouillis, qui est simplement que: tout est possible! C'est dire que si nous voulons aller plus loin, il va nous falloir prendre le problème par un autre bout.
La façon dont j'aimerais maintenant aborder la question des formes se formule ainsi:
Que des forces physique agissent "mécaniquement" pour façonner les organismes, voilà qui n'est pas douteux. Nos corps sont faits de matière, laquelle a ses lois, pas forcément aussi incontournables qu'on le croit d'ordinaire (voir Nos pensées créent le monde), mais bien présentes tout de même. Parmi une foule d'exemples très divers montrant ces forces en action, en voici un qui a le mérite de sortir de l'ordinaire. Il est emprunté à Alfred Tomatis, grand connaisseur de l'oreille (7).
On sait que l'oreille est capable de sélectionner ce que l'on désire entendre. Par exemple, écoutant un quatuor, on peut concentrer son écoute pour suivre plus particulièrement le violoncelle, ou bien l'alto. Cette faculté d'adaptation est due à deux petits muscles de l'oreille. Ils servent à ajuster l'écoute, à faire ressortir certaines bandes de fréquences (8). Le premier est le muscle de l'étrier, qui contrôle la pression des liquides à l'intérieur de l'oreille; le second est le muscle du marteau, qui commande la membrane tympanique. Or il se trouve que le muscle de l'étrier est sous la dépendance du nerf facial, lequel contrôle l'expressivité du visage, tandis que le muscle du marteau est commandé par un nerf qui est une émanation du nerf maxillaire inférieur. Par conséquent, écoute et forme du visage sont indissociables!
Si l'on constate maintenant qu'à chaque langue correspond une répartition particulière des fréquences acoustiques, comme on le voit sur la figure 4, on en déduit que le fait de parler une langue conduit à modeler le faciès! Comme dit Tomatis : " Sous l'effet de la langue, les traits subissent un lent mais inexorable lifting physiologique ".
L'exemple précédent est fort intéressant, mais nous ne saurions en rester là. En effet, nous avons aussi la possibilité de changer à notre guise la forme de notre visage. Et ce n'est pas seulement un talent donné à quelques uns qui en font spectacle. Chacun d'entre nous, même s'il n'en fait pas intentionnellement usage, a des dons d'imitateur. Cela se manifeste dès le plus jeune âge.
Meltzoff et Moore (cités par Chauvin) ont ainsi constaté que des nourrissons âgés de moins de 21 jours sont déjà capables d'imiter quelqu'un qui tire la langue, ouvre la bouche, ou accomplit différentes mimiques faciales. L'intéressant est qu'ils savent le faire même après que l'expérimentateur a cessé sa mimique.
Ces petits jeux de grimaces peuvent sembler banals. Je tiens donc à insister sur la performance que cela représente. Ces observations signifient que les très jeunes enfants sont capables de modifier leurs attitudes en comparant l'image qu'ils donnent de leur corps et qu'ils ne voient pas, avec le souvenir qu'ils ont d'une forme perçue visuellement, et cela presque dès leur naissance, malgré un cerveau profondément immature!
En y réfléchissant, je crois voir dans ce qui est à l'oeuvre derrière ce phénomène d'imitation une piste sérieuse pour atteindre à une compréhension plus sensée des formes. Ce que je vois en effet, c'est la possibilité que les formes soient modeler de l'intérieur. Mon hypothèse est donc que les formes sont avant tout le résultat de la projection d'une intention; les forces physiques deviennent le moyen de son accomplissement dans la matière, avec bien sûr parfois des contraintes telles que sont induites des modifications plus ou moins importantes, mais qui apparaissent alors comme de simples épiphénomènes.
Voyons ce que la nature a à nous dire lorsqu'on la regarde de cette manière.
Encore une fois, c'est à Rémy Chauvin que je le dois. A lui donc la parole:
" La partie supérieure des ailes de ce papillon est foncée et traversée de bandes rouges et bleues très visibles. Quand, dans sa position de repos, il accole ses ailes par leur face supérieure, comme on ferme un livre, l'illusion est complète: il disparaît littéralement! Non seulement la face inférieure est de la couleur des feuilles mortes, mais les nervures de la feuille sont très bien indiquées. De plus, il existe parfois des découpures irrégulières sur le bord des feuilles mortes qui sont grignotées par divers habitants de la forêt: ces découpures ne manquent pas sur le bord de l'aile; un bacille attaque parfois le limbe de la feuille en dévorant la partie médiane pour ne laisser subsister que l'épiderme supérieur transparent: ces fenêtres transparentes sont bien ici, sur l'aile du papillon... Enfin, qui n'a vu les petites taches noires et arrondies que certains champignons microscopiques font sur les feuilles mortes? Et bien, elles y sont aussi et leurs détails sont si précis que le savant mycologue Roger Heim a pu déterminer quelle était l'espèce de champignon ainsi imitée. Et le tout n'est composé bien entendu que d'écailles de papillon.
On pourrait alors admettre que la protection contre un prédateur éventuel est absolument parfaite. Mais ce n'est sans doute pas la bonne conclusion. Si aiguisée que soit la vision chez les oiseaux et les lézards qui pourraient s'intéresser au Kallima, de nombreuses expériences, répétons-le, ont néanmoins montré que la meilleure des protections consistait dans une imitation plus ou moins rudimentaire de la couleur des feuilles et surtout dans l'immobilité! Le démiurge est ici allé beaucoup plus loin qu'il n'était nécessaire. Il a fait de l'art pour l'art, pourrait-on dire. "
Dans cette étrange relation entre une fleur et un insecte, le premier fait remarquable est que le mâle Goryte naît environ un mois avant la femelle, ce qui élimine toute concurrence entre son épouse légitime et sa maîtresse. Le second fait remarquable est que la corolle de la fleur ressemble fort à l'insecte: forme, taille, couleur, reflets, pilosité, tout y est. Le troisième fait est, lui, carrément extraordinaire: la fleur sécrète une odeur analogue à la phéromone que la femelle synthétise pour attirer le mâle! Celui-ci, en état de manque évident, se laisse abuser, et se livre sans retenue à une copulation avec la fleur, qui va parfois jusqu'à l'émission de sperme. Bien sûr, il ne naîtra pas de guêpes de ces amours étranges. En revanche, en se trémoussant sur sa maîtresse, le mâle accrochera un peu de pollen, qu'il ira ensuite déposer sur une autre fleur avec laquelle il se livrera à de semblables ébats.
Comment l'orchidée, qui est une plante dotée d'organes de perception plus de rudimentaire, a-t-elle fait pour ressembler à ce point à un insecte? L'explication classique consiste à s'en remettre au hasard, qui, à force de mutations, aurait fini par créer cette extraordinaire ressemblance. Ce serait à l'extrême limite acceptable si ce cas était unique. Or loin de constituer des exceptions, de telles coévolutions entre fleurs et insectes s'avèrent très fréquentes, en particulier chez les orchidées, qui se sont lancées dans l'invention de dispositifs tous plus invraisemblables que les autres pour réaliser le transport du pollen. (9)
Dans African genesis, Robert Ardrey raconte cette étonnante histoire (10). Au Kenya, Louis Leakey lui montra un fleur couleur corail, composée de nombreux boutons, un peu comme une jacinthe. En s'approchant, il réalisa que chacun de ces boutons était en fait l'aile d'un insecte, une punaise appelée Flatidae. Ardrey se dit que ce n'était qu'un exemple de plus de défense par imitation. Sauf que Leakey précisa que cette fleur "imitée" n'existait pas dans la nature! Et pour montrer combien tout cela était bien organisé, il ajouta que chaque groupe d'oeufs pondus par la femelle comprenait au moins une punaise avec des ailes vertes, pour former un bourgeon vert à la pointe de la fleur reconstituée, et quelques unes avec des ailes de nuances intermédiaires entre le vert et le corail, correspondant à des boutons partiellement ouverts. Bien sûr, chacune savait son rôle à la perfection. Il suffisait d'agiter la branche pour faire s'enfuir la colonie et la voir revenir peu après. Au bout d'un moment, chaque punaise avait repris sa place, pour que l'ensemble donne à nouveau l'illusion d'une fleur couleur corail.
Si cette fleur n'existe pas dans la nature, ce que réalisent ces punaises est tout de même bien une imitation, mais à un niveau plus subtil. Pour inventer cette forme de fleur, elles ont du d'une manière ou d'une autre accéder à des "informations" concernant le sens de la forme fleur en général (bourgeon terminal, boutons ouverts ou fermés, symétries, etc.), ainsi que le sens de la fleur pour les oiseaux (puisqu'il s'agit aussi d'un moyen de se protéger de ces prédateurs). Comme on n'imagine pas que ces informations transitent par les sens physiques, tout comme dans l'exemple précédent des orchidées, c'est qu'il doit se passer "quelque chose" au-dedans. Les punaises Flatidae auraient-elles rêvé la fleur, et l'orchidée la guêpe ?
Avant de tirer des conclusions sur ces phénomènes d'imitation, je tiens une nouvelle fois à insister sur un point. Tous ces exemples, pour extraordinaires qu'ils paraissent, sont loin de constituer des raretés. Dès qu'on ouvre un tant soit peu les yeux sur la nature, on réalise qu'elle est pleine d'espèces qui s'imitent les unes les autres, qui vivent en symbiose ou qui coévoluent.
Evidemment, c'est très gênant pour les néodarwiniens. Car voilà des phénomènes plutôt courants qu'il est impossible d'expliquer par des mutations au hasard. C'est pourquoi vous ne les trouverez jamais cités dans leurs livres. Ils préfèrent tirer leurs lois générales de quelques manipulations de laboratoire, si possibles à partir d'échantillons microscopiques de tissus morts! On comprend que le modèle néodarwinien présentent quelques faiblesses.
Mais revenons à notre sujet. Ce que les phénomènes d'imitation nous apprennent tient en ceci:
Voilà ce que les phénomènes d'imitation rendent apparents. Mais, compte tenu de ce qui a été dit dans les autres essais, en particulier le fait que le dehors, l'univers physique, est une projection du dedans, l'univers de la conscience, il semble légitime de généraliser pour dire que: les formes des êtres vivants sont la matérialisation de certaines de leurs intentions. Evidemment, la plupart viennent de niveaux très profonds, celui des espèces.
A de rares exceptions près, qui ont sans doute leur raison d'être, les formes issues du minéral, celles des êtres vivants, et celles conçues par l'homme, sont suffisamment différentes pour que nous n'ayons guère de peine à les distinguer. Nous sentons confusément que derrière, il y a des principes organisateurs, certes pas faciles à expliciter, mais suffisamment différents pour que notre conscience discrimine les formes qui en sont le produit.
Dans le règne Minéral, de puissantes forces formatrices agissent au niveau atomique. Encore convient-il de préciser ceci: "Il est permis de croire les théoriciens de la physique qui nous disent que toutes les propriétés des substances devraient être calculées par les méthodes connues de l'équation de Schrödinger. Nous avons pourtant constaté qu'au cours des trente années qui suivirent la découverte de l'équation de Schrödinger, seuls quelques rares calculs de mécanique quantique non empirique et précis intéressant la chimie ont été réalisés concernant les propriétés des substances." ( Linus Pauling) Ce n'est pas que la théorie ne marche pas; c'est que les équations deviennent d'une complexité qui augmente très vite avec le nombre de particules en jeu, au point d'être impossibles à résoudre en toute rigueur. En particulier, on a beaucoup de mal à comprendre comment des molécules complexes comme des protéines se replient. Or c'est d'une importance capitale puisque leurs propriétés chimiques dépendent de leur forme (11).
Quoiqu'il en soit, des forces agissent qui donnent des formes très précises à la matière, mais qui ne dépassent qu'exceptionnellement l'échelle microscopique. A part les cristaux, la matière inorganique s'organise à notre échelle en tas informes, en agrégats, en amoncellements.
En comparaison, les formes conçues par l'homme paraissent éminemment ordonnées. C'est que leur élaboration obéit implicitement ou explicitement à des règles, qui, dans nombre de cas, se ramènent à ceci: 1. on part de figures géométriques simples, pour ne pas dire simplistes, comme le triangle ou le rectangle, à deux dimensions seulement parce que c'est plus facile à concevoir; 2. on construit une forme tridimensionnelle en assemblant dans l'espace des formes bidimensionnelles simples.
Le résultat n'est généralement guère enthousiasmant. On le voit par exemple en architecture, avec toutes ces boîtes paraléllépipédiques bien rangées les unes à côté des autres (12)! Ce sont des assemblages que je qualifierai d'informes parce que dénués de véritables intentions.(13)
L'intention, c'est de là justement que tout part dans la nature. Le poisson exprime à sa façon l'intention de conquête du milieu aquatique (14), l'oiseau l'intention de conquête du milieu aérien, l'arbre celle d'être une "antenne" qui fait communiquer la Terre et le Ciel à travers l'eau et la lumière...
Comment ces intentions se déclinent-elles dans toute une série de formes? J'avoue n'en rien savoir! Nous venons de pénétrer dans un territoire nouveau, où presque tout est à découvrir. Mais si nous ne sommes pas suffisamment avancés pour tenter une approche directe, nous devons pouvoir glaner quelques indices de manière indirecte.
La suite de Fibonacci est un objet mathématique qui construit chaque terme successif en additionnant les deux précédents, soit: Fn+1 = Fn + Fn-1 . Partant de F0 et de F1 égaux à 1, on obtient la suite de nombres: 1 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 144 etc. Une des particularités de cette suite est que le rapport de deux termes consécutifs converge rapidement vers le fameux Nombre d'Or, qui vaut approximativement 1,618 : 13/8=1,625 21/13=1,615 34/21=1,619 (15).
Quel rapport avec les formes? Et bien l'étonnant est que, d'une manière ou d'une autre, cette suite se retrouve fréquemment dans la nature, par exemple:
a. dans les fleurs de tournesol, où les graines s'ordonnent en spirales toujours caractérisées par deux nombres consécutifs de la suite: 34 dans un sens et 55 dans l'autre pour les petites; 55 et 89 pour les moyennes; 89 et 144 pour les grandes. Idem avec les pommes de pin, l'ananas (8 et 13 spirales), etc.
b. de très nombreuses plantes ont leurs feuilles disposées en hélice le long de leurs branches, avec des arrangements qui sont là encore caractérisés par deux nombres consécutifs de la suite.
c. certaines plantes comme l'Achillea ptarmica ont des processus de croissance qui font apparaître la suite de Fibonacci dans le nombre des embranchements successifs.
d. les coquilles du nautile et de l'ammonite ont une forme spiralée déduite elle aussi de la suite de Fibonacci.
d. bien que ce ne soit pas en rapport direct avec la forme, je tiens à signaler sa présence dans l'ADN lui-même, sous forme de résonances qu'il serait trop long d'expliquer ici (16).
On trouvera des illustrations ainsi que d'autres considérations (en anglais) sur la suite de Fibonacci à l'adresse suivante: http://www.ee.surrey.ac.uk/Personal/R.Knott/Fibonacci/fibnat.html
On entend parfois dire, en guise d'explication, que la suite de Fibonacci émerge "naturellement", au sens ici de " mécaniquement ", parce qu'elle permet un arrangement "optimal". A ceci, je rétorquerai: 1. si c'est vrai, alors pourquoi la nature n'adopte-t-elle pas systématiquement de tels arrangements; 2. la nature ne recherche pas forcément l'optimum, la preuve étant qu'elle sait très bien se débrouiller avec des configurations qui sont loin de l'être (voir figure 3 les prolongements thoraciques des membracides). J'ajouterai qu'aucune raison physique ne permet de comprendre pourquoi le nautile s'enroule ainsi alors que la plupart des mollusques semblent se contrefiche de la suite de Fibonacci! Enfin, j'aimerais signaler que cette suite ne se rencontre pratiquement pas dans le règne Minéral (pas du tout même à ma connaissance). Il arrive parfois que l'on tombe sur le Nombre d'Or, mais il est vraiment bien caché. Lorsqu'il apparaît, c'est le plus souvent en rapport avec des phénomènes chaotiques, plus précisément lors de leur transition d'un comportement quasi-périodique à un comportement chaotique.
Récapitulons:
Ma conclusion est que cette présence organisatrice de la suite de Fibonacci ne relève pas d'une impérative nécessité physique, mais d'un choix délibéré au niveau de l'espèce. C'est une sorte de règle sous-jacente à l'élaboration de sa forme, qui participe de son intention, une trame de fond sur laquelle la forme se tisse.
Il y a sûrement plein d'autres règles qui reflètent, et qui ce faisant révèlent, l'existence d'une intention chez l'être qui prend forme dans la matière. Mais je n'irai pas plus loin, car au fond mon but est atteint: on sait maintenant que les formes des êtres vivants présentent certaines caractéristiques qui ne sont imputables ni au "hasard", ni à des "nécessités" physiques. Voilà qui suffit à ouvrir la porte à des dimensions non matérielles. Mais à partir de là, toute une série de nouvelles questions se pose. En particulier, comment s'effectue le passage de l'intention à la forme matérialisée?
Je tiens tout d'abord à signaler que les réflexions qui suivent s'inspirent beaucoup des travaux de Théodore Schwenk (17). Hydrodynamicien de profession, il a su trouver dans son métier de quoi étayer ses profondes intuitions concernant la morphogenèse: " N'est-il pas réellement grandiose qu'il naisse ainsi des formes qui ne doivent rien à des différenciations de la matière, et qui n'apparaissent que par le jeu des courants? Ceci nous fournit une occasion de concevoir la genèse des formes, en général, non à partir de la matière, mais à partir du jeu des mouvements: ce sont les mouvements qui s'emparent de la matière et l'ordonnent... Mais il faut bien se rappeler qu'aucune formation organique ne peut être un simple effet de l'action physique des courants. Tout ce qui vit manifeste un être, une entéléchie, laquelle agit également dans les courants physiques. " (p 24 et 59)
Ces mouvements, ce sont avant tout des mouvements de fluides, comme l'eau ou l'air, mais l'eau surtout dans le cas des êtres vivants sur Terre si l'on se souvient qu'elle constitue les quatre cinquième de leur masse. C'est un peu comme si les autres matériaux ne servaient qu'à stabiliser, ou à délimiter plus distinctement les contours des formes liquides.
Quelles caractéristiques présente ce fluide pour être le médiateur idéal entre l'intention et la forme matérialisée?
La première est sa facilité à former des surfaces de démarcation. L'eau n'est pas cette substance indifférenciée que l'on perçoit d'ordinaire. D'infimes différences suffisent à la mettre en mouvement: différences de température, de densité (entre l'eau salée et l'eau douce par exemple), de vitesse, etc. Ces mouvements créent des surfaces de démarcation entre des couches différentes. Des volumes se trouvent ainsi délimités, qui peuvent devenir stables malgré un flux continuel de liquide. Par exemple de l'eau chaude est encerclée par de l'eau plus froide, et cela forme comme un récipient qui se vide et se remplit au gré des écoulements. La figure 6 montre l'ascension dans l'eau d'une telle cloche d'eau rendue visible par un colorant.
Un autre point important est la très grande richesse potentielle que recèle un fluide lorsqu'on s'attache à ses mouvements plutôt qu'à sa substance. Un exemple sera plus explicite. Tout le monde s'est amusé à lancer des cailloux dans l'eau d'un étang bien calme. Imaginez que vous lanciez simultanément plusieurs cailloux. Ils tombent un peu partout, et chacun est à l'origine d'une onde qui se propage en cercle sur toute la surface et se réfléchit sur les bords, ce qui finit par engendrer une figure très complexe. Considérez maintenant un point quelconque de l'étang. Il est clair qu'il peut être traversé au même instant par plusieurs de ces ondes. Cela veut dire qu'une même portion d'espace peut être occupée par plusieurs mouvements différents. Cette faculté qu'a un fluide de tolérer d'innombrables mouvements permet d'envisager la création de formes extrêmement diverses. La véritable richesse est dans cette dynamique. C'est elle qui fait que "tout est possible".
Le troisième point qui mérite d'être souligné est la très grande sensibilité de l'eau. Les surfaces de démarcation qui naissent des différents mouvements sont autant d'organes sensoriels, apte à percevoir, en se déformant de manière plus ou moins notable, les influences les plus subtiles. Autrement dit, les formes fluides sont, par nature même, à un point de convergence de toutes les forces cosmiques. Forces physiques évidemment, comme la gravitation, les forces électromagnétiques, les forces intermoléculaires et interatomiques, etc. Forces psychiques aussi, ce qui renvoie à la micropsychokinèse. Tout ce qui a été dit dans l'essai La création de manifestations physiques s'applique ici. La nature chaotique d'un fluide comme l'eau fait d'elle un excellent substrat, apte à être modelé par l'intention qui se projette en elle pour prendre forme.
Tout ceci peut sembler assez abstrait, mais cela débouche sur du très concret, rien moins que la matrice des formes des êtres vivants. Nombre d'entre eux sont même si proches de l'état liquide, c'est-à-dire si peu solidifiés, qu'ils portent encore la trace visible des mouvements dont ils sont issus. Comparez simplement l'image de la figure 6 avec celle d'une méduse (qui est faite, signalons-le, à 99% d'eau).
L'étape suivante de la morphogenèse consiste à matérialiser la forme liquide en laissant se déposer des substances solides au niveau des surfaces de démarcation. Schwenk a trouvé plusieurs exemples qui permettent quasiment d'assister à cette matérialisation. Le premier concerne le coeur du poisson dipneuste.
Chez un poisson typique, le coeur reçoit du sang veineux, qui est envoyé dans les branchies pour être oxygéné. Chez le dipneuste, le schéma de circulation est plus compliqué parce qu'il possède un second organe respiratoire: figure 7.
On voit que le coeur reçoit à la fois du sang artériel et du sang veineux. Le coeur du dipneuste est partiellement cloisonné, ce qui assure une certaine séparation du sang venant des poumons et de celui en provenance des organes. Or, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, on est en mesure de comprendre que cette cloison n'est pas là pour séparer les deux sangs; cette cloison en fait est la matérialisation d'une surface de démarcation liquide qui se forme au contact des deux courants: figure 8.
D'ailleurs, chez des espèces plus primitives, on observe que les deux sangs restent distincts bien qu'ils ne soient séparés que par une surface liquide. Et chez des espèces plus évoluées, le cloisonnement devient total, avec un coeur constitué carrément de deux parties symétriques.
Nous venons d'assister à la matérialisation progressive d'une forme, qui au départ n'est qu'une surface de démarcation liquide.
Autre exemple, également emprunté à Schwenk, à qui je laisse la parole:
" Dans l'exemple qui va suivre, un tourbillon de liquide fonctionne réellement comme organe, sans prendre aucune forme solidifiée. Chez la lamproie d'eau douce, on trouve un stade primitif des canaux semi-circulaires des animaux supérieurs. Mais, sur les trois canaux habituels, un seul est formé. Les deux autres sont remplacés par des tourbillons de liquide occupant chacun un alvéole. Le liquide est mis en rotation par un épithélium à cils vibratiles. Si ces alvéoles étaient remplis de matière dense, les canaux seraient faits de membrane et d'os, comme chez les animaux plus évolués. Chez la lamproie d'eau douce, ce remplissement n'a pas eu lieu, et du liquide se meut librement dans l'alvéole. C'est ce liquide qui joue le rôle de l'organe. Il communique à l'animal la sensation de sa position dans l'espace. Ainsi, ce qui, chez des animaux supérieurs, s'est figé en une forme dense, existe encore chez cette lamproie sous la forme originelle du liquide tournoyant. L'organe des animaux supérieurs apparaît alors comme un mouvement parvenu au repos. C'est intérieurement que se dérouleront désormais, dans le milieu liquide qui baigne encore l'organe, les mouvements qui conditionnent la fonction sensorielle. L'organe voisin des canaux semi-circulaires, chez l'homme, c'est le limaçon de l'oreille. Il nous offre un exemple parfait du tourbillon stabilisé dans une forme organique. C'est comme si les spires de l'eau tournoyante s'étaient coagulées dans une structure extrêmement différenciée. " (Le chaos sensible p 46-47)
Le problème suivant est de trouver comment ces formes matérialisées finissent par devenir partie intégrante du processus de construction de l'organisme, au point de le régénérer si besoin est, ou d'être transmises à sa descendance. Peut-être l'intention suffit-elle, agissant avec autant de facilité que lorsque nous décidons de lever le bras? A moins qu'il ne faille faire intervenir des processus plus complexes? Quoiqu'il en soit, si les détails nous sont pour l'instant inaccessibles, nous pouvons au moins chercher dans quelle mesure la chose est possible. Et en nous limitant aux êtres vivants sur Terre, nous pouvons ramener la question à celle de savoir si la conscience est capable d'influer sur le fonctionnement de l'ADN.
Le premier argument qui m'incite à le croire est l'expérience de Caroll Nash rapportée dans l'essai Vers une nouvelle science. Je rappelle qu'elle consistait à influencer par la pensée les mutations d'une bactérie.
Le second argument sera sans doute plus convaincant, car ayant fait depuis des décennies l'objet d'observations répétées. Il s'agit de l'apparition, et surtout de la disparition des tumeurs cancéreuses.
Je rappellerai tout d'abord qu'une tumeur résulte de la prolifération anarchique de cellules. Dans une cellule normale, la reproduction est contrôlée par deux types de gènes. Les premiers interviennent pour la ralentir, et les seconds pour l'accélérer. Des mutations de ces gènes sont donc susceptibles d'entraîner l'apparition de cancers.
D'où viennent ces mutations? Pour les tenants de la médecine mécaniste, elles sont provoquées par des rayonnements, des substances chimiques, ou encore des virus. Pour les tenants d'une médecine plus holistique, interviennent aussi des facteurs émotionnels, ou psychiques. On serait donc dans une situation proche de celle des bactéries mutantes évoquées ci-dessus.
Bien que les corrélations entre cancers et états affectifs (comme la mort d'un proche) abondent, on ne peut établir avec certitude que les facteurs psychiques interviennent directement dans le dérèglement des mécanismes de reproduction cellulaire. Il pourrait s'agir aussi d'un dérèglement du système immunitaire, qui se révélerait incapable de détruire les cellules anormales.
Cet argument n'étant pas décisif, voyons plutôt du côté de la guérison. Là, les choses sont beaucoup plus claires. Pratiquement tous les médecins rencontrent au cours de leur carrière un ou plusieurs cas de ce genre:
Une personne vient consulter pour ce qui s'avère être, après analyses, un cancer très avancé, tellement qu'un traitement ou une opération n'est plus envisageable. Quelques temps plus tard, la personne revient et dit qu'elle ne souffre plus. De nouvelles analyses montrent effectivement que la prolifération des cellules cancéreuses a cessé, et même parfois que la tumeur a entièrement disparu. Et la personne ajoute qu'elle n'a suivi aucun traitement particulier (18). Le docteur Deepak Chopra, qui a beaucoup étudié ces cas, relève un point capital: "Les recherches entreprises sur les guérisons spontanées de cancers ont montré que juste avant que la guérison se produise, presque tous les patients ressentent un changement radical au niveau de leur prise de conscience. Ils savent qu'ils vont guérir et que la force responsable de cette guérison est en eux-mêmes, sans pour autant être limitée à eux, s'étendant au-delà de leurs limites personnelles pour se propager dans la nature toute entière. Brusquement, ils pensent: je ne suis pas limité à mon corps, tout ce qui existe fait partie de moi. A ce moment précis, ces malades atteignent apparemment un nouvel état de conscience qui interdit l'existence du cancer. Alors les cellules cancéreuses disparaissent du jours au lendemain chez certains, ou se stabilisent sans plus détériorer l'organisme ". (19)
Tous ces cas de guérisons spontanées, innombrables je le répète, montrent que "quelque chose" d'ordre immatériel a agi pour modifier le comportement des cellules de l'organisme. Par conséquent, il existe bien un pont entre l'intention qui vient du dedans, et l'ADN. Et si ce pont sert à faire naître des maladies ou à les faire disparaître, alors pourquoi ne servirait-il pas à matérialiser des formes nouvelles dans la matière?
L'ensemble du processus de morphogenèse que je viens de décrire présente de nombreuses lacunes. Il ne constitue qu'une première ébauche de ce qui sera peut-être un jour une véritable science des formes. En attendant d'autres développements, je vois déjà dans ce travail deux enseignements importants. Le premier est qu'il est désormais possible de concevoir la morphogenèse des êtres vivants comme partant de la conscience et s'incarnant par étapes dans la matière jusqu'à devenir parfaitement reproductible. On dispose enfin d'une alternative au modèle mécaniste, qui ne gagnait pas l'adhésion par la force de ses vertus, étant lui-même pétri de défauts, mais parce qu'il n'y avait rien en face, ou pas grand chose (20). Maintenant il y a quelque chose, et c'est déjà ça de gagné.
L'autre enseignement qui me semble
essentiel est qu'on est désormais en mesure de concevoir la vie autrement
qu'à partir de critères terrestres, comme la chimie du carbone
ou l'ADN. Et pour être tout à fait concret, je vais montrer comment
une réflexion sur la forme du système solaire conduit à
penser que c'est un être vivant à part entière. Je l'appelle
Râ, du nom du dieu solaire égyptien.
En août 2000, un lecteur m'a écrit pour soulever quelques critiques à propos de ce travail. Depuis lors mes recherches se sont orientées dans de toutes autres directions (évolution de l'homme, architecture, musique...) et je n'ai pas eu l'occasion ni la motivation de me replonger là-dedans pour les prendre en compte. Je me contente donc de les livrer telles qu'elles:
Bonjour,
Bien que ne partageant pas du tout votre point de vue, j'ai lu votre page avec
intérêt. Au moins, j'avoue y avoir retrouvé une certaine
rigueur intellectuelle, qui fait généralement défaut chez
les critiques de la théorie de l'évolution.
Je ne désire formuler une critique que sur deux points bien précis.
Vous citez un certain Schwenk: "Mais, sur les trois canaux habituels, un
seul est formé. Les deux autres sont remplacés par des tourbillons
de liquide occupant chacun un alvéole... C'est ce liquide qui joue le
rôle de l'organe. Il communique à l'animal la sensation de sa position
dans l'espace."
Pour avoir fait ma thèse sur le système vestibulaire de la lamproie,
je peux vous dire que son affirmation est fautive sur plusieurs points: - chez
la lamproie, il y a deux canaux semicirculaires. Les myxines, autres agnathes,
possèdent un seul canal semicirculaire mais aucune "alvéole"
recouverte d'un épithélium vibratil. - Les deux "alvéoles"
(dont l'appelation correcte est "chambres ciliées") ne correspondent
nullement au canal semicirculaire manquant. Ce seraient les homologues des élargissements
saccule et macule des gnathostomes; organes dont M. Schwenk semble totalement
ignorer l'existence. D'ailleurs, sa connaissance de l'anatomie du labyrinthe
semble très superficielle. - Les canaux semicirculaires (ainsi que les
élargissement macculaire, sacculaire, lagénaire et le conduit
cochléaire) des gnathostomes ne sont pas "remplis de matière
dense" mais d'un liquide à la composition similaire à celui
qui empli les différents organes vestibulaires chez la lamproie. - La
sensation vestibulaire n'est pas produite par le liquide per se (je me demande
comment M. Schwenk peut-il affirmer cela?), mais par des organes spécialisés
qui sont innervés par les fibres nerveuses. Ces organes existent chez
tous les vertébrés, et ont trouve des organes analogues chez certains
invertébrés. Chez la lamproie, les organes qui sont en contact
avec le liquide en mouvement ne sont pas particulièrement influencés
par celui-ci; ils le sont par la gravité et les mouvements de la tête
comme chez les gnathostomes. - Il n'existe AUCUNE étude ayant démontrée
la fonction des cils vibratils et du tourbillon endolymphatique. - Chez les
céphalopodes, le centre du "labyrinthe" est occupé par
une masse "de matière dense" et pourtant, les canaux NE sont
PAS "faits de membrane et d'os, comme chez les animaux plus évolués".
En fait, M. Schwenk ne sait pas vraiment de quoi il parle et extrapole beaucoup.
Peut-être est-ce de la license poétique, mais ce n'est certainement
pas basé sur des faits scientifiques.
L'autre point est la note 8: "Il faut savoir aussi que les relations entre
l'oreille et le cerveau présentent un déséquilibre surprenant:
90% des fibres nerveuses servent à transmettre des informations du cerveau
vers l'oreille, et 10% seulement de l'oreille vers le cerveau!"
Je ne sais pas comment interpréter cela. Si vous parlez de l'oreille
interne (labyrinthe proprement dit), cette affirmation est fausse et l'inverse
serait beaucoup plus approprié. Si vous comprenez l'oreille moyenne et
externe, j'aimerai bien savoir vos sources par curiosité professionnelle.
Personnellement, au vu de l'importance de l'innervation sensorielle combinée
au peu de muscles présents dans cette région, j'aurai tendance
à y voir un ratio d'au moins 75-80% de fibres oreille->cerveau, 20-25%
de fibres cerveau->oreille.
Je vous signale aussi, mais sans insister, que si les muscles de l'oreille moyenne
sont innervés par des nerfs ayant aussi des fonctions faciales, c'est
que les osselets ont évolués à partir d'os qui formaient
l'articulation de la mâchoire chez nos ancêtres reptiliens.
Jean-François Pflieger
une suite de fibonacci dans le système solaire |
1. Je signalerai quand même à propos de la drosophile que cette mouche qui mute si facilement entre les mains des biologistes n'a pratiquement pas changé dans la nature. On a retrouvé des spécimens vieux de 50 millions d'années englués dans de l'ambre qui se révèlent identiques aux souches actuelles!
2. Rupert Sheldrake, Une nouvelle science de la vie, et Rémy Chauvin, La biologie de l'esprit, tous deux aux éditions du Rocher.
3. Pour information, l'ADN codant les protéines de l'homme et du chimpanzé diffère de 1% à peine!
4. Pour ceux que cela intéresse, je recommande ce site internet, qui propose entre autres un programme informatique permettant d'observer des changements de formes en faisant varier différents paramètres de transformation: http://www-groups.dcs.st-and.ac.uk/~history/Miscellaneous/darcy.html
5. Il y a dans le cerveau une aire spécifique dédiée à la reconnaissance des visages.
6. Je rappelle que la coquille du nautile et la coquille de l'huître servent toutes deux à protéger mais ne se ressemblent pas, ou que l'aile de l'oiseau et l'aile du papillon servent à voler mais ne se ressemblent pas.
7. Dans Nous sommes tous nés polyglottes, Fixot 1991, chapitre 2.
8. Il faut savoir aussi que les relations entre l'oreille et le cerveau présentent un déséquilibre surprenant: 90% des fibres nerveuses servent à transmettre des informations du cerveau vers l'oreille, et 10% seulement de l'oreille vers le cerveau!
9. Voir l'orchidée marteau ou l'orchidée baquet, dans L'aventure des plantes de Jean-Pierre Cuny, chez Fixot.
10. Citée par Marilyn Ferguson dans Les enfants du Verseau, Calman-Lévy 1981.
11. On connaît le cas de la Thalidomide, qui enroulée dans un sens est un poison, et enroulée dans l'autre un médicament!
12. Prenez un animal sauvage épris de liberté, enfermez-le dans une boîte, et attendez quelques jours. C'est magique, vous aurez fabriqué un être violent, ou dépressif, ou fou. Prenez un être humain et mettez-le dans une boîte...
13. L'architecture n'a pas à être fonctionnelle, ni être prétexte à n'importe quels débordements pathogènes sous couvert d'art, ni tomber dans un naturalisme naïf qui ne vise qu'à imiter les formes de la nature. Un bâtiment se conçoit avant tout comme un support d'évolution pour les êtres qui l'animent. Il faut donc partir d'une intention claire, et, de là, lui donner forme en sachant mettre en oeuvre les processus par lesquels la nature elle-même crée, ce que savent faire les véritables Maîtres d'Oeuvre.
14. Attention, "conquête" n'est pas à prendre ici au sens de combat mais au sens de défi, pour explorer ses limites et les dépasser, comme lorsque dans les années 60 on parlait de "conquête de l'espace".
15. Plus précisément: lim Fn+1/Fn= j où j=(1+5^1/2)/2
16. Pour s'en faire tout de même une petite idée, considérons un nucléotide quelconque d'un génome ou d'un gène. On regarde alors la répartition des bases selon les nombres de la suite de Fibonacci. Si on trouve que, disons, 89 nucléotides consécutifs se répartissent en 55 bases A ou C ou G, et 34 bases T, on dira qu'on a une résonance. On fait cette recherche à partir de tous les nucléotides et pour différents nombres de la suite. L'ensemble des résonances donne une idée du degré d'ordre de la séquence d'ADN. Par exemple un des virus du SIDA d'une longueur de 9000 nucléotides comporte: plus de 50.000 résonances supérieures ou égales à 47 bases (soit plus de 5 résonances issues de chacune des 9000 bases qui composent le génome de ce virus); environ 10.000 résonances supérieures ou égales à 322; environ 1100 résonances de plus de 2207 bases (couvrant chacune un quart de la totalité du génome); plusieurs centaines de résonances de plus de 6000 bases (englobant donc les 2/3 de la longueur totale du génome). Il est facile de vérifier par des calculs statistiques qu'une telle architecturation de l'ADN est extrêmement improbable sous l'effet du seul hasard. Cette découverte d'un "spra-code" de l'ADN est due à Jean-Claude Perez. Il l'expose dans Planète transgénique, l'espace bleu 1997, et dans un livre à paraître L'ADN décrypté.
17. Le chaos sensible, Triades 1982.
18. Face à de tels cas, la réaction de nombreux médecins est de faire l'autruche: " ça ne devait pas être un cancer "
19. Deepak Chopra, Le corps quantique, Interéditions.
20. Pour ceux qui connaissent la théorie des champs morphiques de Sheldrake, je préciserai qu'elle n'est pas une théorie de la morphogenèse; elle s'occupe uniquement du problème de la reproduction des formes; elle peut donc prendre place dans le nouveau modèle, au niveau de ce que j'ai appelé " l'intégration de la forme "