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intention et manifestation

Vahé Zartarian

janvier 2021



Résumé

Comment nos intentions s'actualisent-elles en manifestations physiques? L'étude d'un effet placebo permet de dégager un processus, qui, vérifié ensuite dans d'autres domaines (guérisons spontanées, coévolutions, psychokinèse, incarnation) se généralise: intention = manifestation.


introduction | une expérience fondatrice | un nouveau paradigmel'univers magique





introduction


Un de mes sujets d’étude de prédilection est l’interface entre la conscience et le ¨monde physique¨. Les guillemets pour indiquer d’emblée que je ne m’inscris pas dans un dualisme esprit-matière mais dans un monisme idéaliste où la matière est dématérialisée, pour ainsi dire spiritualisée. Je le montre dans plusieurs ouvrages, dont les plus récents physique quantique et kosmogonie.
Cette interface conscience – ¨monde physique¨, je l’ai plusieurs fois abordée dans le sens ¨monde physique¨ → conscience, notamment dans le cas des perceptions visuelles et auditives (par exemple dans l’essai son et lumière).
L’autre sens conscience → ¨monde physique¨ m’a toujours paru plus difficile. Je précise qu’il ne s’agit pas juste d’émettre une opinion mais de tenter d’étayer des hypothèses par des expériences vécues et des expériences scientifiques reconnues. C’est là un point essentiel de ma démarche épistémologique: satisfaire à la fois l’intuition et la raison qui caractérisent ensemble l’esprit humain. J’avais réussi à poser un premier jalon en 1995 dans un essai intitulé la création de manifestation physique. Depuis, pas grand chose. J’étais pourtant convaincu qu’il était possible d’aller plus loin. Mais rien ne me venait … jusqu’à ce que …
Jusqu’à ce que je découvre les recherches du neuroscientifique Lionel Naccache par trois de ses livres:
le nouvel inconscient, perdons-nous connaissance, le cinéma intérieur (tous chez Odile Jacob). La lecture de ses ouvrages a déclenché la cristallisation de ce qui mûrissait obscurément depuis tant d’années. Je précise que malgré mon enthousiasme, je suis resté assez lucide pour ne pas me laisser entraîner dans son matérialisme. C’est pourquoi j’ai pris soin d’alterner ces lectures avec d’autres ouvrages choisis à la frontière entre expériences spirituelles et expériences objectives. Ce fut d’autant plus facile qu’au même moment me sont opportunément tombés entre les mains des témoignages très forts d’expériences de réincarnation (en restant flou pour le moment sur le sens de ce mot): Ian Stevenson, twenty cases suggestive of reincarnation (university press of Virginia, 1974); Stéphane Allix, lorsque j’étais quelqu’un d’autre (Mama éditions, 2017); Miriam Gablier, la réincarnation (éditions de la Martinière, 2014). Et puis j’en ai profité pour reprendre le livre de Philippe Guillemant, la route du temps (éditions le temps présent, 2010) pour me remettre en tête sa théorie sur la causalité.
Toutes les idées qui me sont venues au cours de ces lectures ont fusionné avec mes propres idées développées au fil de nombreux ouvrages, et une synthèse s’est matérialisée sous la forme de cet essai. Je reconnais que mon propos n’est pas complètement nouveau: au fond ce sont toujours les quelques mêmes idées que je triture. La présentation en revanche l’est, de sorte que mes hypothèses gagnent en crédibilité chaque fois que je les reformule en incorporant de nouvelles expériences.




une expérience fondatrice


Les exemples d’actualisation d’intentions sont innombrables. Chacun de nous en effectue des centaines tous les jours sans avoir à y réfléchir. Par exemple transformer l’envie de se désaltérer en le fait que le bras saisit un verre et le porte à la bouche. C’est banal, et c’est là le problème pour ce que je souhaite faire: pas grand chose à en tirer sinon que nous avons le savoir-faire pour l’accomplir sans se soucier de la manière dont cela s’accomplit.
D’autres exemples comme la psychokinèse pourraient s’avérer plus éclairants. Je m’en suis d’ailleurs servi dans l’essai sus-cité
la création de manifestations physiques. Sauf que l’objectivation de ces phénomènes fait toujours, hélas, l’objet de polémiques, sans parler de leur décryptage. Bien que pour moi leur réalité ne fasse pas de doute, tant de par mon expérience personnelle que dans des expériences en laboratoire aux protocoles rigoureux, je préférerais commencer par un phénomène qui ne soit pas entaché de suspicions.
C’est finalement chez Naccache que j’ai trouvé
l’exemple parfait. Dans perdons-nous connaissance, il consacre un chapitre à l’effet placebo et cite en particulier une intéressante étude sur des parkinsoniens dans laquelle je me suis empressé de me plonger.


synthèse de dopamine par effet placebo chez des malades parkinsoniens

La maladie de Parkinson est caractérisée principalement par des perturbations motrices: tremblements, rigidité, lenteur de mouvements... Ces troubles sont consécutifs à une dégénérescence neurologique:

« Dans la maladie de Parkinson, les neurones d’un petit noyau cérébral – le locus niger, plus précisément la pars compacta de ce petit noyau – dysfonctionnent et meurent progressivement. À l’état normal, ces neurones fabriquent un neuromédiateur fondamental, la dopamine, qu’ils libèrent à une autre région cérébrale dénommée le striatum. » (Lionel Naccache, perdons-nous connaissance, p144)

Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement curatif, mais des médicaments permettent d’améliorer notablement les symptômes. Le principal est le lévodopa (ou l-dopa), un précurseur de la dopamine qui peut être transformé en dopamine dans le cerveau afin de réduire le déficit causé par la maladie.
Compte tenu de la cause et de la gravité de la maladie,
difficile d’imaginer qu’un placebo puisse agir. C’est pourtant ce que démontre cette importante étude: Expectation and Dopamine Release: Mechanism of the Placebo Effect in Parkinson’s Disease, Raul de la Fuente-Fernandez, Thomas J. Ruth, Vesna Sossi, Michael Schulzer, Donald B. Calne, A. Jon Stoessl (Science 10 august 2001, vol. 293, p1164-1166). Les expériences réalisées à cet effet montrent une efficacité ¨réelle¨ des placebos sur la maladie de Parkinson. Par ¨réelle¨ il faut entendre ici qu’il ne s’agit pas seulement d’une appréciation subjective du patient quant au confort apporté par la prise du médicament-placebo, mais d’une mesure précise (par tomographie par émission de positrons) de la libération de dopamine au niveau du striatum. Morceaux choisis de l’article en question (traductions de mon cru):

« Les observations indiquent une libération de dopamine endogène par effet placebo. L’estimation de la quantité de dopamine libérée était plus grande chez les patients qui percevaient les bénéfices du placebo que chez ceux qui ne les percevaient pas. »
« L’ampleur de la réponse au placebo était comparable à des doses thérapeutiques de lévodopa ou d’apomorphine. »

Insistons sur l’importance de ces résultats. On aurait tendance à penser que la réponse d’un patient à un placebo serait purement subjective: il aurait simplement l’impression d’aller mieux tandis qu’au niveau physiologique rien ne changerait. C’est ce que dément cette étude. Elle prouve que le fait d’aller mieux est la conséquence de changements physiologiques, en l’occurrence la libération de dopamine endogène dans le striatum. Et ces changements physiologiques sont eux-mêmes induits par la croyance du patient en l’efficacité de ce qu’il pense être un ¨vrai¨ médicament censé lui rendre sa motricité, au moins en partie.


de la croyance à l’actualisation

On devine facilement en quoi cet exemple est plus éclairant pour le sujet de cet essai que la plupart des actes accomplis banalement: il est difficile de le réduire à un enchaînement mécanique de causes et d’effets du genre
        signal de soif → besoin de boire → action de boire
avec une conscience observatrice, simple épiphénomène.
Ce qui se révèle ici est très différent:
        projection consciente d’un résultat → changements physiologiques ayant pour conséquences ce résultat
Notons bien ces points importants:
1. Le malade n’a aucune connaissance de ce qui se passe dans son corps, pas plus ce qui provoque sa maladie que ce qui pourrait causer son amélioration.
2. Il ne doit pas savoir qu’il prend un placebo,
mais croire au contraire qu’il s’agit d’un médicament à l’efficacité prouvée.
3. Si plein de choses lui échappent effectivement, il doit en revanche être pleinement conscient de l’effet attendu,
car comme le dit Naccache: « Pas d’effet placebo dans le coma. » (p147)
C’est finalement assez paradoxal: la conscience du résultat se combine avec l’ignorance et la tromperie pour faire advenir ce qui est attendu! Notons au passage l’immaturité de l’espèce humaine qui n’arrive pas à jouer avec la seule croyance en la guérison et a besoin de prendre appui sur un objet fictionnel, le vrai-faux-médicament. Corinne quant à elle, en artiste, préfère retenir le côté rigolo et créatif de s’inventer toutes ces histoires. Chacun joue le jeu à sa manière...
Quoiqu’il en soit, reste à trouver un processus permettant de passer de la création dans la conscience d’une nouvelle image corporelle à son actualisation effective dans le corps physique.


cause finale

Récapitulons:


temps 0

temps t

conscience

intention de mobilité

mobilité retrouvée

cerveau

pas de dopamine

dopamine dans le striatum


Autrement dit: l’image consciente d’un corps futur à la mobilité en partie retrouvée, associée à la foi en l’efficacité d’un médicament factice, créent dans le cerveau les conditions de libération de dopamine endogène. Cela ressemble à un renversement du sens de la causalité. Car habituellement les transformations physiques se conçoivent de la façon suivante:
– partant d’un état physique pris conventionnellement comme état initial conditionné par des causes antérieures (dans mon exemple la destruction de neurones dans une partie du cerveau qui empêche la libération de dopamine, destruction elle-même due à … etc.),
– les causes et les effets s’enchaînent mécaniquement,
– pour aboutir à un état physique final (une maladie neurodégénérative irréversible qui réduit la mobilité).

Or ce qui est observé avec l’effet placebo, c’est que l’état initial n’est plus conditionné seulement par un état physique antérieur mais aussi par l’image psychique d’un état corporel futur désiré. Précision importante: cette image future concerne le corps tel que vécu par le malade (sensations proprioceptives, mobilité, etc.) et pas le fonctionnement du cerveau, dont nul n’a jamais conscience; mais, paradoxe, les changements physiques impulsés par cette image ont quant à eux bien lieu dans le cerveau, d’où découlent les transformations corporelles.

Reformulons une dernière fois ce processus observé à travers le filtre de notre conception habituelle du temps:
1. l’état futur du corps imaginé consciemment maintenant engendre dans le cerveau futur la production de dopamine endogène;
2. cet état futur du cerveau serait comme une cause finale qui, remontant le temps, modifierait l’état actuel du cerveau;
3. dans le sens ¨normal¨ de l’écoulement du temps, partant de ce nouvel état initial du cerveau, causes et effets physiques s’enchaîneraient de nouveau normalement pour aboutir inexorablement à l’actualisation de cet état du corps imaginé.

Notons la contradiction avec les mécanismes physiques habituels où le temps n’a qu’un sens, du passé au futur, et où par conséquent les causes finales n’ont pas leur place. C’est pourquoi, vue de l’extérieur, la survenue de cette nouvelle mobilité surprend. Elle a tout l’air d’un ¨coup de chance¨. Si l’on écarte le miracle divin, la seule explication raisonnable est le ¨hasard¨, qui aurait favorisé la combinaison heureuse de conditions physiques improbables. Cela n’explique rien évidemment, d’autant que de ¨hasard¨ il ne saurait être question ici puisqu’il y a une cause immatérielle clairement identifiée, de surcroît dans le cadre d’une expérimentation rigoureuse et reproductible: l’imagination.


choix retardé en physique quantique

Comment comprendre ce processus qui donne l’impression d’un va-et-vient dans le temps:
        image consciente d’une situation à venir → état physique modifié → futur actualisé
En rappelant que le sujet n’a aucune connaissance de ce qui doit être changé physiquement pour faire advenir ce résultat (au contraire d’une transformation corporelle par une pratique sportive par exemple). Pour revenir à Parkinson, il vise la mobilité, sans se préoccuper de dopamine ou de striatum dont il ignore d’ailleurs tout, mais avec tout de même la conviction qu’une certaine substance va avoir un effet thérapeutique bénéfique.
Dans le cadre de la physique classique, qu’elle soit newtonienne ou einsteinienne, est inconcevable un tel processus par lequel l’imagination produit un changement physique qui aboutit à faire advenir ce qui est imaginé. Seule la théorie quantique fournit un cadre de pensée dans lequel non seulement cela paraît possible, mais où en plus c’est validé expérimentalement: il s’agit des expériences dites à choix retardé. Je les détaille dans mon livre physique quantique. Pour rester au plus près du sujet actuel je ne reprendrai pas tout ça ici et me contenterai d’en résumer le principe et les résultats.


L’expérience repose sur une propriété quantique, la dualité onde-corpuscule. Cela signifie que selon la manière d’observer des objets quantiques, disons des photons, ils vont se manifester soit comme des particules en s’agglutinant sur le détecteur en taches quasi ponctuelles, soit comme des ondes qui interfèrent et forment des figures d’interférences.
Le principe d’une expérience à choix retardé consiste à se demander ce qui se passerait si le choix entre la première manière de les observer et la seconde était effectué après qu’ils sont tombés sur le détecteur où ils s’annihilent. Aussi incongrue que paraisse la question, la théorie quantique, jamais à court de surprises, sait y répondre: la position d’impact d’un photon est déterminée par des lois de probabilités différentes selon que l’on préserve ou que l’on détruit une certaine information après qu’il a disparu sur le détecteur. Autrement dit en langage courant: voici des photons qui ne se décident entre « je passe à droite » ou « je passe à gauche », et « je ne sais pas par où je passe », qu’après avoir fini leur vie sur un détecteur!
La réalisation de telles expériences est franchement compliquée et je renvoie les lecteurs intéressés à mon livre physique quantique où j’en détaille deux. Les résultats sont sans ambiguïtés et confirment les prédictions de la théorie quantique:
– si l’information sur le chemin suivi par les photons est effacée après qu’ils ont été observés, et par conséquent détruits dans l’opération, on voit se former des figures d’interférences;
– si l’information de trajectoire est préservée après qu’ils ont été observés, on ne voit pas d’interférences.

Qu’est-ce que cela implique dans le contexte de cet essai et dans un langage plus parlant?
Voici une première façon de voir, naïve dirai-je car s’appuyant sur notre conception habituelle d’un temps divisé entre passé, présent, et futur: l’état présent d’un système matériel peut être changé par une décision future concernant la préservation ou la destruction d’une information sur ledit système. Ou, en déplaçant la perspective temporelle, l’on pourrait dire aussi qu’une décision prise maintenant affecte l’état passé de ce système matériel.
Cette explication par la rétrocausalité (pour faire court, c’est-à-dire un état futur qui agirait sur le présent) n’a pas ma préférence car d’une part elle génère des paradoxes, et d’autre part elle s’appuie sur l’idée erronée d’une réalité du temps. Pour diverses raisons que je développe dans la temporalité et l’atemporalité, le temps doit être considéré comme une construction de l’esprit, une manière de regarder le monde, au même titre que, disons, les couleurs extraites des photons qui frappent la rétine. Du coup l’atemporalité devient plus fondamentale que la temporalité. Cela signifie que, pour un photon dans une expérience à choix retardé, il n’y a pas réellement d’aller-retour dans le temps; plus simplement, toute son existence, de sa création à son annihilation, est condensée en un seul événement atemporel. Et pour terminer en revenant à l’exemple du placebo, cette conception fait sortir de ce schéma linéaire paradoxal
        image consciente d’une situation à venir → état physique modifié → futur actualisé
pour ne plus avoir qu’une situation globale dont tous les éléments changent de concert, les pensées, les croyances, les perceptions, le cerveau, le corps. Le découpage passé → présent → futur ne réapparaît que comme une apparence construite par les règles du jeu particulières de notre incarnation dans ce monde physique.

Quelques points à préciser:
Notons que ce qui rend possible cette projection d’un contenu de conscience dans la matière, c’est que cette dernière est en son fond complètement immatérielle. Il n’y a pas de réelle différence de nature. Pour le dire simplement, la matière, ainsi que son cadre spatio-temporel, sont de la même substance que nos rêves. La matérialité que l’on expérimente n’est rien d’autre que représentation construite par cocréation entre d’innombrables d’entités. Des précisions dans mes livres physique quantique et kosmogonie.
Enfin, je ne prétends pas que la physique quantique explique l’effet placebo dans la maladie de Parkinson. Ces résultats d’expériences à choix retardé ont pour principal mérite de démontrer que ce que l’on pouvait croire physiquement impossible est en fait possible. Ce n’est pas anodin quand on considère l’importance de la croyance, comme dans l’effet placebo où un faux médicament est investi de toutes les vertus d’un vrai. Donc le fait de penser possible l’action de causes finales, pour le dire prosaïquement, ne peut qu’aider à leur manifestation. En outre, une fois cette porte ouverte, il n’est plus exclu de découvrir d’autres processus participant aux jeux entre imagination et actualisation.




un nouveau paradigme


Le processus qui vient d’être mis au jour par lequel des intentions se projettent directement dans la matière peut-il servir de paradigme pour rendre compte d’autres manifestations physiques? Je le crois et c’est l’objet de cette deuxième partie d’explorer cette généralisation. Quelques exemples tout d’abord vont montrer le processus à l’œuvre dans diverses manifestations, puis suivront quelques considérations plus générales.


guérisons spontanées

Commençons par un exemple proche de celui de la première partie car en quelque sorte il le généralise: les guérisons spontanées, qui peuvent être considérées comme des effets placebos de grande ampleur. J’ai connu quelques cas spectaculaires, dont celui-ci qui a touché le père de mon amie Martine Castello.
À 68 ans, il se plaint de douleurs au ventre. Quelques examens, et le voilà sur la table d’opérations. On lui dit que ce n’est pas grave, juste quelques polypes qui ont été enlevés. Mais la famille est convoquée pour lui annoncer qu'en fait les chirurgiens n’ont touché à rien parce qu’ils ont découvert un cancer généralisé du colon inopérable. Vincent, croyant pour sa part l'affaire réglée au vu de la cicatrice, rentre chez lui l’esprit tranquille. Trois mois plus tard, il passe une coloscopie de suivi: plus de cancer! Complètement guéri, spontanément, sans opération, sans médication, sans génuflexions, sans rites, sans prières, sans méditation, sans visualisation ni autres grigris. Étant précisé que le diagnostic n’a jamais été mis en doute. Des années après, il m’est arrivé de le conduire à l’hôpital pour des examens de contrôle qui se sont toujours révélés négatifs. Il est mort presque centenaire et pas du cancer.
Notons que si nous avons un tel pouvoir sur notre corps, nous devons aussi avoir celui de lui causer des maladies. Peut-être pas toutes, mais un grand nombre très certainement...


psychokinèse

Je désigne ici par ce terme une vaste catégorie de phénomènes consistant en projections de pensées directement dans des objets extérieurs. Fréquentes et faciles à voir, les pannes en tous genres qui affectent des objets proches sur lesquels nous projetons peurs, colères et autres angoisses: voitures (de préférence le jour d’un rendez-vous important), ordinateurs, montres, chaudières (comme par hasard la veille de Noël quand la famille est attendue), etc. Je ne m’étendrai pas tant c’est courant. Je préfère m’attarder sur des cas plus rares qu’il est plus difficile d’attribuer au hasard ou à des gestes inconscients qui auraient provoqué ces dysfonctionnements à notre insu. Je pense en particulier à des coups particulièrement chanceux en sport. Un exemple personnel.

J’ai fait beaucoup de tennis et de tir à l’arc (voir mon article l’archerie traditionnelle asiatique). Je ne me suis jamais considéré comme très bon dans ces sports mais il m’est arrivé de réussir des coups exceptionnels, inexplicables en termes de calculs de trajectoire et de maîtrise du geste. À l’époque je les attribuais à la chance, mais je crois avoir maintenant une autre explication qui convient mieux, au moins pour certains d’entre eux.
Je me souviens en particulier d’une séance de tir à l’arc qui avait pour but des tester des flèches de différentes forces. Plus précisément on parle de spine en archerie, qui est une mesure de la rigidité/flexibilité de la flèche, ce qui a une influence notable sur son comportement. Me voici donc planté à 120 mètres de la cible avec trois flèches différentes prêtes à être encochées à la corde de mon arc simple dépourvu de repose-flèche (c’est le pouce qui sert de support) et de dispositif de visée. Pas idéal donc pour du tir de précision. Pour compliquer encore les choses, il y a du vent ce jour-là. Que croyez-vous qu’il arrivât? Eh bien les trois flèches se sont plantées côte à côte dans un cercle d’à peine la taille d’un CD. Impossible de réussir trois coups pareils en cherchant à estimer la meilleure trajectoire possible puisque d’une part je ne connaissais pas le comportement de ces flèches vu qu’il s’agissait justement de les tester, et d’autre part le vent était imprévisible sur un tel parcours de 120 mètres durant plusieurs secondes.
À
noter que cela s’accompagnait d’un état intérieur assez inhabituel. Étant donné que tout calcul de trajectoire était impossible, je me suis contenté de décocher les coups sans me préoccuper de précision ni de perfection du geste. Et le plus bizarre était l’impression que, pendant leur vol, les flèches semblaient irrésistiblement attirées par leur point d’arrivée, quoiqu’il se passe au départ et en cours de route.
I
l va de soi que le ¨hasard¨, ici particulièrement heureux, fournit l’explication la plus commode. Sauf que la coïncidence est significative entre mon état intérieur et le résultat. Cette coïncidence est pour moi du même ordre que celle que l’on a vue dans la première partie au point d’avoir valeur de cause: une image d’une situation future (un corps mobile dans le cas de Parkinson, des flèches dans une cible ici) crée les conditions de sa manifestation, sans aucun souci des moyens ni d’ailleurs de connaissance des processus physiques à l’œuvre.

Encore plus spectaculaires mais heureusement plus rares, les poltergeists. Ces manifestations sont attestées depuis des siècles et la littérature les concernant abonde. Je n’y ai pas assisté personnellement aussi me contenterai-je de citer cet exemple court mais particulièrement explicite:

« Un soir, j’étais assis dans la salle à manger lorsqu’une assiette vola du comptoir de la cuisine et manqua mon crâne de quelques millimètres. Je posai immédiatement le regard sur ma fille en pensant qu’elle me l’avait jetée dans un accès de rage, mais elle se trouvait à l’autre bout de la table, et qui plus est, dans un angle qui ne lui permettait pas de me viser. Nous nous levâmes pour aller regarder dans la cuisine où nous découvrîmes d’autres assiettes cassées. Quelques unes avaient été mises en pièces dans le placard même. Nous pensâmes que des fantômes avaient investi la maison. Et puis ma fille me dit quelque chose qui détendit l’atmosphère et qui permit de résoudre le mystère: ¨Je n’ai pas lancé cette assiette, papa, mais tu m’as rendue tellement folle que j’ai vraiment voulu te la jeter.¨ Après cela les choses s’améliorèrent pour elle et il n’y eut plus jamais d’autres assiettes volantes. » (Dr Melvin Morse, la divine connexion, le jardin des livres 2002, p. 126-127).

Une remarque en passant à propos des expériences de parapsychologie. Il est avéré que pour une même tâche à effectuer (comme deviner le résultat d’un lancer de dé) les sujets ne font aucune différence selon que l’expérience met en jeu la psychokinèse, la clairvoyance ou la précognition (expériences de Schmidt, the strange properties of psychokinesis, Journal of Scientific Exploration, Vol. 1 No. 2, 1987). Ils sont indifférents au contexte expérimental, et qu’ils en soient informés ou non n’y change rien non plus. On retrouve encore une fois le fait que l’intention est agissante par le but qu’elle vise sans considération des moyens pour l’atteindre.


évoluer et coévoluer

Dans les premières pages de kosmogonie je développe plusieurs exemples spectaculaires d’évolutions et de coévolutions. Résumé:

– Lorsque la chenille d’Hemeroplanes triptolemus se sent menacée, elle transforme son corps pour le faire ressembler à celui d’un serpent, et elle adopte même des attitudes dignes d’un serpent avec balancements de tête et simulation d’attaques.

– Le papillon Siamusotima aranea a une araignée dessinée sur ses ailes déployées, sans doute pour effrayer d’éventuels prédateurs.

– Les oisillons de l’aulia cendré (Laniocera hypopyrra), un passereau de la forêt amazonienne, imitent une chenille de la famille des Megalopygidae, une bien grosse (une douzaine de centimètres), pas ragoutante du tout avec ses longs poils orange vif, et même carrément toxique.

– L’orchidée-marteau recourt aux services de la guêpe thynnidée pour se faire féconder. Le cycle de vie de la guêpe est tellement bizarre que l’orchidée a inventé un dispositif encore plus bizarre pour contraindre un mâle à s’accoupler avec elle. Elle a conçu un leurre de la guêpe femelle imitant jusqu’à l’odeur qu’elle sécrète pour attirer le mâle, et l’a disposé au bout d’un bras articulé. Voici donc un mâle qui pique sur ce leurre; croyant tenir une femelle, il bat des ailes pour redécoller avec elle; à cause du bras articulé, il se met à décrire un arc de cercle et vient cogner une sorte d’enclume qui contient des sacs de pollen et un stigmate. Et voilà, mission accomplie, l’orchidée est parvenue à se faire féconder!

– La liane Boquila trifoliata a la capacité unique de modifier ses feuilles pour les rendre semblables à celles de l’arbre auquel elle s’accroche. Elle est ainsi capable d’imiter une douzaine d’arbres différents. Encore plus remarquable, un même individu qui pousse sur plusieurs arbres d’espèces différentes va modifier localement ses feuilles pour les adapter à chaque hôte.

Il ressort de ces exemples et de beaucoup d’autres:
– que certaines formes de certains organismes vivants ne sont pas de simples bouts d’espace remplis de matières organiques façonnés par des forces physico-chimiques aveugles ;
– qu’elles doivent avoir un sens pour les entités qui les perçoivent ;
– qu’elles manifestent une intention de la part des entités qui les conçoivent,
– lesdites entités ayant un savoir-faire pour que la matière se conforme à leurs intentions.
Voilà qui ressemble au processus étudié plus haut: une intention qui se projette dans la matière sans que la complexité des moyens requis pour la façonner ne fasse obstacle à l’atteinte du but.


s’incarner

Ces transformations corporelles provoquées par l’intention amènent à cette question: comment une conscience se lie-t-elle à un corps physique? Question fort disputée qui devient encore plus trouble lorsque la matière apparaît elle-même dématérialisée. Pour débroussailler le terrain, je vais dans un premier temps prendre les choses par le bout habituel c’est-à-dire considérer le corps dans sa matérialité. Du point de vue métaphysique, cela ne tient pas, mais du point de vue phénoménologique, cela a un sens si l’on considère le corps tel qu’on en fait l’expérience. Et là pas de doute: on vit bien dans un corps étendu et dense qui se meut dans un espace-temps rempli d’autres objets denses.
À partir de là, remarquons:
1. que tout ce que nous savons du monde physique est médié par le corps;
2. que tout ce que nous savons du corps lui-même est médié par le cerveau;
3. que nous ne prenons conscience que d’une infime partie des processus qui se déroulent dans le cerveau;
4. que tous les actes que nous accomplissons intentionnellement sont médiés par le cerveau,
5. avec là encore une grande partie des processus qui restent inaccessibles à la conscience de veille.

Que des processus cérébraux échappent à la conscience directe du sujet n’implique pas qu’ils ne soient pas accessibles par d’autres voies. De fait, les sciences cognitives et les neurosciences ont fait d’énormes progrès ces dernières décennies pour dévoiler ce qui est appelé désormais inconscient cognitif. J’emprunte à Lionel Naccache cette synthèse inspirée de son livre le nouvel inconscient (première partie, chapitre 6 portrait de l’inconscient cognitif contemporain, et deuxième partie chapitre 1 le propre de la conscience, avec entre parenthèses mes remarques ajoutées):
1. les représentations inconscientes sont susceptibles de correspondre à n’importe quel contenu mental dont nous faisons également l’expérience consciemment: images, sons, mots, nombres, émotions, etc.;
2. tous les recoins de notre cerveau sont capables de produire diverses formes d’activités mentales inconscientes;
3. il y a de riches échanges entre processus conscients et processus inconscients: dans le sens montant, certaines informations inconscientes peuvent devenir conscientes (voir ci-après); dans le sens descendant, la conscience oriente les processus perceptifs inconscients (par exemple l’effet cocktail, c’est-à-dire la capacité à moduler les perceptions sonores pour suivre une conversation particulière dans un milieu bruyant);
4. une représentation mentale inconsciente, aussi riche soit-elle, est nécessairement évanescente, elle ne peut se maintenir activement de façon durable (de l’ordre de la demi-seconde);
5. une représentation mentale inconsciente ne peut induire chez un sujet un changement de stratégie original ou une modification de son contrôle et de son inhibition cognitive;
6. une représentation mentale inconsciente est incapable de donner naissance à un comportement intentionnel ou volontaire.
Ces trois derniers points à la fois marquent les limites de l’inconscient et caractérisent la conscience.

À partir de là, comment une information devient-elle consciente? Naccache décrit ainsi le processus (chapitre 3 taxonomie des inconscients):
1. elle doit être explicitement représentée sous la forme d’un codage nerveux actif dans une assemblée de neurones;
2. elle doit être codée par un processeur nerveux anatomiquement connecté aux neurones qui composent l’espace de travail global (a contrario ce n’est pas le cas du taux d’oxygène dans le sang dont on ne se rend compte qu’indirectement en constatant les modifications du rythme respiratoire);
3. elle doit être codée au-delà d’un niveau minimal d’intensité et au-delà d’une durée minimale, ces deux seuils (intensité et durée) doivent être atteints afin d’autoriser le mécanisme d’amplification attentionnelle descendante;
4. elle doit être codée alors que le réseau de l’espace de travail global conscient est disponible pour amplifier cette information, c’est-à-dire que le réseau global ne doit pas être occupé à ce moment-là par une autre tâche qui accaparerait ses ressources.

Tout ça est bien compliqué, d’autant que nous n’en aurions aucune connaissance si les neurosciences n’avaient pas levé le voile, à quoi s’ajoute le fait qu’avoir cette connaissance sur le plan intellectuel ne peut rien changer à ce fonctionnement. Dans cette perspective, la question du lien entre esprit et cerveau apparaît à la limite de l’aporie. Certes, l’on pourra affiner toujours plus les corrélats cérébraux de l’expérience consciente, cela ne dira jamais rien de la création ni des qualia (un quale, pluriel des qualia, désigne le contenu d’une perception consciente telle qu’elle est vécue, comme l’expérience subjective du rouge) .
Dans ces échanges entre conscient et inconscient, un point me semble important à relever: la capacité de la conscience à influencer certains processus inconscients. Ce qui est très remarquable, c’est que le résultat voulu est obtenu sans qu’elle ait connaissance desdits processus. Voilà qui donne l’impression de tourner en rond puisqu’on se retrouve au même point qu’avec l’effet placebo d’où l’on est parti! Pas tout à fait, heureusement: ce qui pouvait apparaître comme une exception inexplicable est devenu chemin faisant un processus général de notre fonctionnement d’êtres incarnés. Mais si nous voulons encore avancer, il va falloir trouver une approche plus radicale.


Renversons la perspective et demandons-nous ce qui se passe lorsqu’un esprit s’incarne dans un corps. Je vais m’efforcer d’être le plus pragmatique possible et éviter toute querelle théologique. Mais tout d’abord la question a-t-elle un sens? Oui si l’on prend en considération les innombrables travaux sur les passages vie-mort et mort-renaissance, notamment:
1. Marques et défauts corporels de naissance qui correspondent à ceux d’une personne décédée et qui corroborent des souvenirs de la vie de ladite personne: cf. Ian Stevenson, Birthmarks and Birth Defects Corresponding to Wounds on Deceased Persons (Journal of Scientific Exploration, Vol 7, No.4, pp403-410, 1993).
2. Souvenirs d’autres vies corroborés par des enquêtes minutieuses sur la vie de la personne décédée: Ian Stevenson, twenty cases suggestive of reincarnation (university press of Virginia, 1974); Stéphane Allix, lorsque j’étais quelqu’un d’autre (Mama éditions, 2017).
Remarques:
– Sont bien établis les faits qui relient des vies passées à des vies actuelles sans héritage génétique, ni transmission culturelle, ni captage d’informations par télépathie. Quant aux interprétations, elles divergent fortement selon les systèmes de croyances: une entité permanente, disons une âme, prendrait corps à de multiples reprises; ou seules des informations passeraient d’un corps à un autre (mémoires, traits de personnalité, etc.); ou encore, comme dans le bouddhisme, rien ne se transmettrait, il y aurait seulement continuation de processus produisant ces fictions existentielles, par exemple la persistance de désirs auraient des effets qui deviendraient causes de nouveaux effets, et ainsi de suite.
– Je ne retiens pas les témoignages obtenus par régression hypnotique, car même s’ils ont une indéniable portée thérapeutique, ils ne sont pratiquement jamais corroborés par des preuves objectives, sans compter les biais en tous genres (thérapeute trop directif, patient qui cherche à se conformer à ses attentes, fantaisies, etc.).
3. Savoirs multiséculaires de thanatologie comme chez les moines tibétains, avec notamment l’existence avérée des tulkous: il s’agit de grands lamas qui, avant de mourir, laissent des indications sur leur prochaine naissance; lorsqu’un enfant qui correspond est repéré, il passe des tests de reconnaissance de personnes et d'objets qu'il a rencontrés dans sa vie précédente.
4. Témoignages innombrables d’expériences de mort imminente (EMI).


J’ai largement parcouru toute cette littérature, j’ai connu plusieurs personnes ayant fait des EMI, j’ai aussi des impressions très fortes d’autres vies même si elles ne sont hélas pas corroborées par des preuves objectives. Tout ceci me suffit pour conclure que même s’il y a peut-être au milieu de tout ça des cas de fraudes et d’affabulation, beaucoup me semblent crédibles.
Pour en revenir maintenant à ma question, j’observe que l
es témoignages d’EMI décrivent tous avec force détails ce qui se passe au moment de la mort du corps physique mais qu’ils sont en revanche très pauvres en ce qui concerne la réincorporation. Elle a lieu forcément puisque, même si ces personnes sont un moment déclarées cliniquement mortes, elles reviennent toujours à la vie. Raymond Moody dans son grand classique la vie après la vie (Robert Laffont, 1977) le reconnaît:

« Très peu nombreux sont ceux qui se souviennent de leur réincorporation. La plupart racontent qu’à la fin de leur aventure ils se sont endormis, pour se réveiller ensuite dans leur corps physique. » (chapitre 11 le retour)

Sinon, quand la lucidité persiste, voici comment cela se passe en général:

« Tout était merveilleux de l’autre côté, et en somme je n’aurais pas demandé mieux que d’y rester. Mais l’idée que j’avais quelque chose de bien à accomplir sur terre était aussi une pensée exaltante. Alors je me suis dit : ¨Oui, il faut que je reparte et que je revive¨, et je suis rentrée dans mon corps. J’ai même l’impression d’avoir moi-même arrêté l’hémorragie. Quoi qu’il en soit, c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à aller mieux. »

Encore plus rarement, les témoignages comportent quelques détails, comme le fait de rentrer dans le corps par le sommet du crâne, ou la sensation de s’y sentir à l’étroit. Reste que la question de savoir comment faire pour retourner dans son corps n’a jamais l’air de se poser: cela se fait tout seul à partir du moment où la décision est prise, avec plus ou moins de lucidité durant le processus, plutôt moins que plus d’ailleurs.

Finalement, c’est cette occultation du ¨comment¨ qui me paraît la plus significative. Au fond, pour qu’un esprit prenne corps, il semble qu’il n’ait rien d’autre à faire qu’à en projeter l’intention. C’est tout. C’est juste un savoir-faire que l’on possède on ne sait plus d’où. Par un nouveau retournement inattendu, cette simplicité, qui s’oppose à la complexité des processus cérébraux, corrobore l’idée de l’immatérialité de notre corps: c’est possible parce que justement tout n’est que jeu de pensées créatrices. Cela ne rend pas vaines les recherches sur le cerveau, cela permet juste de cerner leur utilité et leurs limites. De même que le fait de choisir de jouer du piano contraint les possibilités musicales de par la conception même de l’instrument (tempérament égal, pas de microtons, pas de glissandos...), le corps et le cerveau humains contraignent perceptions et actions.
Remarquons que cette relation qui s’établit entre un esprit et un corps est exclusive. J’ai beau lancer l’intention que le bras de Corinne se lève aussi clairement que celle qui aboutit à ce que mon propre bras se lève, le sien continue sa calligraphie, imperturbable. Et puis une personne diagnostiquée morte qui fait une EMI revient systématiquement dans son corps et pas dans un autre. Quoiqu’il faille peut-être nuancer si l’on considère:
- les cas dits justement de ¨possession¨ où l’on prétend qu’un esprit qui n’accepterait pas la mort de son corps physique tenterait de s’en approprier un autre déjà ¨occupé¨;
- des expériences d’incorporations de corps humains ou animaux, que ce soit spontanément ou dans des contextes de transes chamaniques.
J’ai vécu cela dans un corps de serpent et dans un corps de tigre. C’était extraordinaire, mais hélas trop bref et sans aucune maîtrise (dans un cas c’était sous LSD, dans l’autre au cours d’un rêve) pour en tirer quelque chose d’utile ici. J’ai aussi connu l’inverse, par deux fois et spontanément: comme une descente dans mon corps d’une grande entité d’au-delà du plan terrestre, liée à moi d’une façon inexplicable, d’une intelligence et d’un amour indescriptibles. Là encore, aucune maîtrise, ça m’est tombé ¨dedans¨ au sortir de séances de zazen, et pas d’autres traces que ces souvenirs. J’ajouterai que les expériences d’incorporation parmi les plus probantes dont j’ai connaissance sont probablement celles de Nicolas Fraisse rapportées dans voyages aux confins de la conscience par Sylvie Dethiollaz et Claude-Charles Fourrier (Guy Trédaniel, 2016).
Notons encore que la rareté de ces expériences suggère qu’il est difficile de sortir volontairement de son corps une fois qu’on s’y est installé. Il faut un talent rare (comme Nicolas Fraisse), ou des psychotropes puissants (ayahuasca, LSD, etc.), ou des expériences limites (grande frayeur). Selon moi, cette relation exclusive est en quelque sorte une ¨sécurité¨ pour contraindre à jouer sérieusement sa partie en tant qu’acteur ayant revêtu ce corps comme un costume, en focalisant précisément la conscience sur cette scène de théâtre qu’est le monde physique,.
Reste tout de même une facilité offerte à tous de quitter temporairement le corps, le sommeil, afin de se reconnecter à des dimensions plus vastes de soi-même, en l’occurrence l’auteur et le metteur en scène de la pièce jouée à l’état de veille. La principale fonction du sommeil serait donc de rêver. Et puis quand on se réveille:

« Jadis, Tchouang Tcheou rêva qu’il était papillon, voletant heureux de son sort, et ignorant qu’il était Tcheou. Soudain il s’éveilla, indiscutablement Tcheou lui-même. Il ne sut plus si c’était Tcheou qui s’était rêvé papillon, ou un papillon qui rêvait être Tcheou. »




l’univers magique


en deux équations

De tout ceci je tire cette loi simple qui régit le fonctionnement de notre univers et qui tient en deux petites formules:
    1. l’intention fait manifestation
    2. intention = conscience + imagination + croyance
Rien d’autre ne semble requis pour produire des manifestations, des plus petites aux plus grandes, sans considération de temps. Concrètement, cela se produit comme un jaillissement qui semble aller de soi. L’intention est créatrice de manifestations par elle-même, sans souci des moyens. Le seul moyen, c’est le contenu du second membre de la seconde équation.
Et si ¨ça marche¨, c’est parce que l’intention n’informe pas une matière matérielle qui subirait des lois indépendantes de celles de l’esprit. ¨Ça marche¨ parce que c’est un jeu d’échanges de significations entre entités spirituelles. C’est aussi de cette façon que certains comportements dans cet univers physique en arrivent à prendre l’apparence de lois mathématiques (relativité, physique quantique, thermodynamique...).

D’aucuns s’étonneront de l’absence de la volonté dans les termes de l’équation. C’est que je considère cette loi comme universelle, tandis que la volonté est un facteur local, c’est-à-dire propre à certaines incarnations dans cet univers physique. La volonté est l’expression d’un ego qui force un chemin dans l’espace-temps vers la réalisation de son but. Je reviendrai plus loin sur quelques aspects de ces règles du jeu de l’incarnation. En attendant, on voit bien en quoi la volonté détourne le sens naturel de la manifestation: elle est recherche de moyens d’une réalisation dans un contexte temporel, le contraire du sens naturel où l’intention agit par sa seule finalité sans souci des moyens.
Ceci étant, on peut donner à la volonté un sens plus général. Elle devient la capacité de la conscience à s’orienter dans l’immensité créatrice des imaginations. Autrement dit, c’est l’attention qui permet de suivre un chemin particulier dans ce paysage. En insistant sur le fait que ledit paysage est intérieur et non pas extérieur.

Autre aspect important de cette loi, sa neutralité. De même que si vous tombez, votre chute ne sera pas accélérée ou ralentie selon que vous êtes gentil ou méchant, la loi ne fonctionnera pas mieux ou moins bien selon que vous serez bienfaisant ou malfaisant.
Dans ces conditions, que devient l’Amour, considéré par une vaste littérature spirituelle comme le moteur principal de l’univers? À regarder le monde, il n’apparaît pas du tout nécessaire à son fonctionnement: il n’a rien à faire dans la transformation d’une chenille en serpent, dans la mutation d’un virus, dans l’allumage ou l’explosion d’une étoile, dans la création et la guérison de la plupart des maladies (ce qui n’exclut pas qu’elle intervienne dans quelques cas humains), encore moins dans l’attirance d’un meurtrier pour ses victimes (cf. par exemple le tueur dit du Zodiaque). L’amour est un concept humain, rien de plus rien de moins. Comme tel il peut orienter nos imaginations qui à leur tour façonnent nos intentions.

Alors en guise de conclusion à ce paragraphe cette formule tranchante:

« Toute spiritualité anthropocentrée est erronée. »


quand ça ne marche pas

C’est bien beau les grands principes, mais force est de reconnaître qu’en pratique, on a plus souvent l’impression que cette magie n’opère pas: on cherche l’âme-sœur et les relations de couple se défont aussi vite qu’elles se sont faites; on voudrait la santé et l’on subit des dysfonctionnements douloureux du corps; on voudrait ceci et on obtient cela, et vice-versa.
Que se passe-t-il? La magie serait-elle réservée à des saints ou à une élite possédant un savoir occulte? Non bien sûr puisqu’elle opère indifféremment. Quand on a l’impression que ¨ça n’a pas marché¨, en fait ¨ça a marché¨ mais on s’est illusionné sur ce qu’on a effectivement projeté. Le ¨ça ne marche pas¨ n’est qu’un jugement porté a posteriori sur un événement dont on n’a pas vraiment perçu les tenants et les aboutissants. Je dirai que c’est comme un effet nocebo, l’inverse de l’effet placebo: on s’attendait à être soulagé en absorbant le médicament, mais on n’a récolté que des effets secondaires désagréables pour des raisons plus ou moins obscures qui tiennent à nos croyances, par exemple un manque de confiance dans le système médical ou l’idée qu’on ne mérite pas de guérir. Comme nous l’avons vu dans la première partie, le placebo ne produit des effets, bénéfiques ou non, qu’à condition d’avoir bien conscience que c’est un vrai médicament. Bref, il faut se leurrer. De même, lorsqu’on a l’impression que les résultats de nos actions ne sont pas conformes à ce qu’on avait imaginé, c’est que quelque part il y a confusion.


réussir ses erreurs

Prenons une situation simple et déclinons-la en variantes qui permettront de comprendre comment nous réussissons à obtenir des résultats différents de ceux attendus. Notez bien l’emploi du mot ¨réussissons¨ et non pas ¨échouons¨! Donc comparons:
1. attraper une balle dans le cadre d’un jeu;
2. attraper une balle envoyée par surprise;
3. attraper une balle en même temps qu’un autre joueur;
4. faire un bond de dix mètres pour l’attraper au plus haut de sa trajectoire.
Examinons ce qui différencie ces situations:


1. L’attention est en principe bien focalisée. Avec un peu d’entraînement, si l’on ne se crispe pas à cause de l’enjeu, si l’on évite de penser à tout qu’on devrait faire bien et à tout ce qui pourrait tourner mal, alors on devrait s’en saisir sans difficulté.
Pour généraliser, c’est une situation où l’imagination et la croyance sont si bien alignées que le résultat advient de lui-même, aussi facilement que prendre un verre pour étancher sa soif. Cela permet même de guérir spontanément de maladies graves.


2. Avec la surprise de voir soudain une balle foncer sur soi tandis qu’on est occupé à autre chose, l’intention vacille. L’attention n’est pas focalisée entièrement sur le fait d’attraper la balle, alors selon les cas on s’en saisit ou pas.
Dans le tourbillon de la vie, il n’est pas facile de se tenir sur une seule ligne directrice. D’ailleurs ce n’est pas seulement qu’on est tiraillé dans différentes directions par des circonstances extérieures, c’est aussi la complexité du cerveau lui-même qui produit des incohérences. Le cas des personnes au cerveau divisé (split-brain en anglais) est à ce titre exemplaire.
La callosotomie est une opération neurochirurgicale qui consiste à sectionner le corps calleux reliant les deux hémisphères cérébraux. Pratiquée dans les cas d’épilepsies sévères, l’opération vise à limiter la propagation des crises à l’ensemble du cerveau. Elle peut avoir d’autres conséquences surprenantes. Rhawn Joseph a observé des comportements divisés chez de tels patients (Dual mental functioning in a split‐brain patient, journal of clinical psychology, Vol. 44, Issue 5, September 1988, p. 770-779). Ainsi l’hémisphère droit pouvait diriger l’action de la jambe gauche pour marcher dans une direction précise, tandis que la jambe droite contrôlée par l’hémisphère gauche refusait de bouger ou partait dans une autre direction.
C
as extrêmes bien sûr, mais il n’est pas exclu que des cerveaux normaux ne soient pas pareillement empêtrés dans des incohérences. Sur quoi viennent se greffer d’autres incohérences d’un plus haut niveau de signification. On prête l’oreille à l’un qui dit ¨va à droite¨, à l’autre qui dit ¨va à gauche¨, et l’on s’étonne de constater être allé tout droit.
Dit autrement, on a en permanence une multitude de désirs qui se superposent et évoluent un peu à l’analogue du principe de superposition en théorie quantique.
Ce sont autant de futurs potentiels, chacun affecté d’une probabilité qui change au gré de nos mouvements intérieurs. L’intéressant dans cette analogie est aussi que ce n’est pas toujours l’événement affecté a priori de la plus forte probabilité qui va finir par s’actualiser. Comme dans l’effet tunnel quantique, même un événement de très faible probabilité peut survenir. Il suffit peut-être que pendant un instant la croyance en lui devienne certitude. Et c’est comme ça que, ¨abracadabra¨, un cancer disparaît!


3. Dans la situation où l’on cherche à attraper une balle en même temps qu’un autre joueur, des intentions différentes se rencontrent, se confrontent. On comprend facilement que, parce qu’il n’y a qu’une balle, tous ceux qui la veulent ne pourront l’avoir. On le voit bien dans les jeux de hasard: tout le monde joue pour gagner, mais au final, il n’y qu’un seul gagnant, le casino.
Pour revenir à l’analogie quantique, l’on pourrait dire que les joueurs dans cet univers physique sont comme des fermions, un seul pouvant occuper un certain état. Dans des univers immatériels, d’autres possibilités existent qui s’apparentent aux comportements des bosons: cf. la revue de vie dans les EMI.

« L’être de lumière savait tout de moi. Il savait tout ce que j’avais jamais pensé ou fait, et il me montra toute mon existence en un flash. J’ai vu tous les détails de ma vie, ceux que j’avais déjà vécus, et ceux à venir si je retournais sur Terre. Tout était là en même temps, tous les détails des relations de cause à effet dans ma vie, tous les effets que ma vie sur Terre avait eu sur les autres, et tous les effets que la vie des autres avec qui j’avais interagi avaient eu sur moi. » (Jeffrey Long et Paul Perry, Evidence of the Afterlife: The Science of Near-Death Experiences, HarperCollins, 2010, chap. 7, traduction personnelle)

Pour revenir sur Terre, si nos intentions vont à l’encontre des croyances collectives, on ne doit pas s’étonner que leur actualisation rencontre des difficultés.


4. La dernière situation où l’on veut sauter à dix mètres de hauteur pour attraper la balle est jugée tellement impossible qu’elle n’a pratiquement aucune chance de se réaliser. Ce n’est pas que la matière immatérielle serait soudain redevenue dense pour de vrai et que la magie aurait cessé d’opérer. C’est que l’on a affaire à des croyances très profondes concernant les règles du jeu de l’incarnation dans ce monde physique. Il est possible de les contourner mais c’est rare et encore plus rare de façon maîtrisée: cf. le vaste catalogue de bizarreries physiques qui accompagnent le mysticisme (Joachim Bouflet, encyclopédie des phénomènes extraordinaires de la vie mystique, le jardin des livres 2002; Aimé Michel, métanoia phénomènes physiques du mysticisme, Albin Michel 1986) ainsi que certaines prouesses de yogis.
En fait ce genre de contournement, qu’il soit involontaire ou obtenu au prix d’une longue ascèse, ne sert pas à grand chose, sinon à révéler les croyances en question. Parce que le jeu de l’incarnation suppose une acceptation des règles, sinon autant aller jouer ailleurs. J’y reviens dans un instant.
Auparavant et pour clore ce paragraphe, je voudrais insister sur le fait que ces règles sont très profondément en nous et quasi inaccessibles, encore mieux dissimulées que tous ces processus cérébraux compliqués et bien cachés que nous avons survolés et qui constituent notre inconscient cognitif. Elles construisent les croyances sur le temps, l’espace, la matière, la relation exclusive avec un corps... Et elles sont si bien occultées que l’on en vient à ne plus percevoir la magie, à ne plus même être capable de la concevoir dans des cadres de pensées étriqués tels que le matérialisme. Mais perçu ou pas, le miracle est bien là dans le plus banal: sans m’en rendre compte et sans me poser de questions, je bondis avec mon corps insubstantiel d’un sol insubstantiel pour attraper une balle insubstantielle; et j’accomplis le miracle non moins grand d’avoir mal pour de vrai à mon pied insubstanciel en retombant trop lourdement sur le sol insubstanciel. Ce n’est pas un jeu vidéo, c’est la réalité vécue.


le Jeu de la Création

La conscience est créatrice. Le jeu de l’incarnation que joue l’espèce humaine avec d’autres n’est qu’une partie du jeu plus vaste de la création (voir mon livre éponyme le Jeu de la Création). Ce jeu de l’incarnation se caractérise par tout un tas de règles cocréées qui contraignent les manifestations (même si la part de nous incarnée est censée l’avoir oublié pour mieux s'impliquer dans la partie). Un exemple sera plus parlant.
Supposons que la pensée me vienne de me casser le bras pour échapper à un examen (et qui m’est effectivement venue juste avant la première épreuve du concours de l’école polytechnique tant l’enjeu était important pour moi parce que c’était la seule école que je voulais et donc le seul concours d’ingénieur que j’avais décidé de passer). Je ne connais pas de cas où une telle pensée ait suffi à provoquer une fracture. Même si l’intention est forte, le monde semble opposer une résistance. Ou plus vraisemblablement une part de soi qui redoute d’autres conséquences que d’échapper à l’examen: la douleur, ne plus pouvoir faire ce qu’on veut pendant des semaines, etc. L’intention ne disparaît pas pour autant. Elle continue d’agir. Comme un courant qui, si on le bloque, trouve des voies de contournement, la pensée crée un chemin vers un futur possible où le bras pourrait être effectivement cassé. Par exemple en me faisant bousculer par un véhicule que je n’aurai pas vu venir. Mais jusqu’à la dernière fraction de seconde, j’aurai la possibilité d’éviter le choc (de fait je n’ai pas eu d’accident, et j’ai réussi le concours). C’est tout l’intérêt de cette voie contournée.
Que l’accident ait lieu ou non, toute cette affaire déployée dans le temps révélera, ou pas selon l’attention qu’on lui accordera rétrospectivement, le lien entre intention et manifestation. Dans ce cas le monde physique est utilisé pour ralentir la manifestation. Une part de nous accepte de limiter la portée de la première équations en ajoutant une contrainte:
        intention + croyance en la réalité physique = manifestation dans le temps
C’est une voie d’apprentissage de l’équation plus fondamentale:
        intention = manifestation
Celle-ci agit quoiqu’il arrive. C’est pourquoi le même terrain de jeux peut être aussi celui de la magie et des miracles. Ce qu’il semble d’ailleurs être pour les chenilles et les orchidées, sans doute aussi pour les atomes et les galaxies (voir kosmogonie chapitre 2 la vie des galaxies spirales), ou encore dans les guérisons spontanées, les poltergeists, etc. Mais la plupart du temps et pour la plupart d’entre nous, c’est d’abord une école. Regardant nos pensées, nos actions, les conséquences, se révèle dans toute son ampleur l’immaturité de cet homo pas sapiens du tout. La situation d’apprentissage va de pair avec le droit à l’erreur, cela va de soi. Mais, individuellement et collectivement, qu’il faille systématiquement recourir à la douleur pour gagner un soupçon de compréhension, c’est au fond cela la plus grande preuve d’immaturité. Cette espèce qui se croit tellement au-dessus des autres n’est que dans l’enfance de son évolution, pas plus loin que la maternelle dirai-je. Derrière l’ignorance masquée par l’arrogance et la grandiloquence, cette planète se révèle pour elle comme un bac à sable où chaque humain individuellement, et l’espèce collectivement, se fait en faisant, défaisant, refaisant, bref où chacun avec tous dévoile les règles du Jeu de la Création.


conclusion


    Le fonctionnement du monde est parfait.

    Nous sommes créateurs et cocréateurs.

    À chacun de jouer...



        Chaudon, janvier 2021





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